Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 11:28

Le Lt-Colonel Jean Pétré

Secrétaire de rédaction de Massalia

Déporté politique au camp de Buchenwald

Est libéré

Président de l’Amicale du 141e RIA,

notre ami était également

Chef régional de la Résistance
à Marseille

 

Une du journal Massalia du 28 avril 1945, n° 1317

 

Juillet 1943 ! Mon excellent ami et l’un des plus chers parmi mes collaborateurs, Jean Duhalde, de son nom de journaliste à Massalia, en réalité Jean Pétré, mais aussi X… dans la clandestinité, est arrêté. Par le poste élevé qu’il occupe dans la Résistance régionale, avec le grade de lieutenant-colonel, par son activité inlassable, par son audace téméraire, il sait, nous savons tous les risques qu’il court.

Ces risques, il les a prévus, sans les redouter, avec un don de soi qui fait notre admiration, il sait qu’un jour ou l’autre, il sera recherché, puis peut-être interné, torturé. Qu’importe, avec un grand sang-froid et une rare maîtrise de lui, l se prépare à ces éventualités, patiemment, en recherchant les moyens d’éviter le pire. Il lui faut une très longue corde et solide pour organiser son évasion par les toits de la maison qu’il habite, 7 rue Puget. Je lui offre la corde de chanvre qui sert à l’amarrage de mon bateau.

Comment et par qui la Gestapo a-t-elle pu savoir quel ennemi dangereux notre ami était pour l’Allemagne ? Toujours est-il que le 4 juillet 1943 dans la soirée, avec rapidité, avec brutalité, sa porte est forcée, son appartement envahi, son arrestation opérée et en voiture, sans avoir pu esquisser un mouvement, Jean Duhalde est emmené par les policiers nazis. Nous ne devions plus le revoir. La prison Saint-Pierre, Fresnes, l’Allemagne, ce fut l’affaire de quelques mois. Mais quels mois !

De son arrestation, qu’allait-il résulter, pour lui d’abord, pour ses proches ensuite et pour toute l’organisation qu’il dirigeait ? Son neveu, Pierre Adrien Duny, notre collaborateur aujourd’hui, lui-même prisonnier évadé qui participait à ses travaux et qui vivait avec lui, pouvait tout craindre. Enfin pour aucun d’entre nous Massalia ne pouvait constituer alors une référence.

Quelle ténacité, quelle force de caractère il a dû falloir à notre ami pour n’entraîner personne avec lui et pour échapper lui-même au poteau. Nous ne le saurons que s’il veut bien, un jour, nous le raconter.

+

Et la semaine dernière, cette nouvelle que, depuis des mois, nous attendions avec une confiance obstinée, est enfin connue : le lieutenant-colonel Pétré est libéré. C’est d’abord notre confrère La Marseillaise qui annonce Pétre au lieu de Pétré, arrêté en juillet 1944 au lieu de juillet 1943. Notre affectueux aveuglement ne veut admettre aucune confusion. Un seul a pu forcer le destin. Ce ne peut être que lui. En effet, Le Figaro annonce quelques jours plus tard qu’il s’agit du lieutenant-colonel Pétré de Marseille. Ses amis du service télégraphique nous confirment par téléphone que le libéré est bien Jean Pétré, arrêté le 5 juillet 1943. Enfin, Le Monde annonce sa libération en ces termes, sous la plume de Pierre Frédéric, correspondant de guerre de l’AFP : «J’ai vu à Lippstadt trois témoins de Buchenwald qui s’occupent aujourd’hui de 2000 Français groupés autour d’eux. Ce sont le lieutenant-colonel Pétré, arrêté en juillet 1943, Freychet, directeur des caves de Roquefort, arrêté en mai 1944, Chambon, jadis consul de France à Tanger, arrêté en avril 1944 à Paris».

Et c’est l’Amicale du 141e RIA dont il est le dévoué président, qui s’affaire avec émotion, c’est l’Union des amicales régimentaires, dont il a été, malgré son absence, nommé vice-président, qui suit et comme une traînée de poudre, dans les milieux où il compte tant d’amis : Résistance, presse, PTT, mairie, les noms de Jean Pétré, de Jean Duhalde, réveillent les souvenirs les plus amicaux les plus cordiaux, les plus affectueux.

Tout le monde comprendra que nous conservions une discrétion prudente jusqu’au jour prochain où il nous en déliera. Quels risques pourrions-nous, sans le vouloir, faire courir à des Français qui sont peut-être encore entre les mains des Boches et que nos récits pourraient découvrir.

Mais on comprendra aussi que nous n’ayons pas pu taire la joie immense que fit naître à Massalia la nouvelle de la libération de notre grand et noble camarade. Et moi qui écris ces lignes en pleurant, je l’avoue, n’ai-je pas le droit d’écrire ce qu’évoque pour moi cette délivrance, ce retour si ardemment souhaité ? Mon éminent et fidèle ami trop tôt disparu, Emile de Vireuil, qui fut pendant trente ans rédacteur en chef de Massalia et pendant vingt ans inséparable de Jean Duhalde, rejoint par le jeune Duny, n’était-ce pas un peu le prolongement de ma famille ?

Leur conduite, la nôtre, guidée par la droiture, la probité, la loyauté. Leur ambition, la nôtre : servir sans peur et sans reproches, avec courage, avec énergie, avec le désintéressement le plus total, par la plus grande force, celle de l’exemple. Et pour tenir le serment qu’on s’est fait à soi même, pour ne pas ternir son passé, voilà l’idéal sur lequel repose notre foi : lutter, lutter encore, lutter toujours.

Après la libération du pays et de ceux qui les premiers, parce que les meilleurs, rassemblèrent les énergies françaises au prix des souffrances hallucinantes des camps de déchéance, la France connaîtra-t-elle ce sursaut dont elle a besoin pour reprendre sa course vers la grandeur, et les vieilles nations pour poursuivre la leur vers l’émancipation totale de l’humanité ?

Lieutenant-colonel Pétré, ami et confrère Jean Duhalde, résistant X, j’ai hâte après les effusions fraternelles dont tu sentiras la chaleur, que tu prennes la plume pour faire avec ton autorité le procès ou le plaidoyer de cette IVe République qui naît au milieu d’immenses douleurs. Tu n’en conserveras pas moins, car je te connais, ton épée auprès de toi, pour combattre encore s’il le faut.

Massalia et nous tous attendons avec une fébrile impatience celui qui, aujourd’hui comme toujours, pense aux autres avant de penser à lui-même et qui, nous pouvons fièrement le proclamer, sait manier et la plume et l’épée, avec la plus grande sûreté et la plus rare distinction.

Paul Goyet
Directeur du journal Massalia

Massalia 1

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Colonel Pétré, la Résistance à Marseille
  • : Biographie du Lieutenant-Colonel Jean-Baptiste Pétré, chef régional de l'Armée Secrète AS à Marseille. Archives de l'AS, de la déportation, de l'épuration. Campagne de France et Résistance durant la 2ème guerre mondiale.
  • Contact

Recherche

Liens