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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 11:27

Le retour de notre Président

Article paru dans L’alpin du 141,

bulletin de l’amicale régimentaire du 141e RIA, n° 26, mai-juin 1945

Q

 

UE d’émotions en ces jours auréolés par la Victoire. Il va arriver. Il arrive. Il est rentré. Ce fut d’abord l’annonce de la libération du camp de Buchenwald, ce camp de la mort où notre président fit un si long séjour ; mais, était-il parmi les morts ou les survivants ? Angoissante question qui revenait obsédante dans nos esprits tourmentés. Quelques jours plus tard, oh ! joie, nous apprenions par la presse et la radio que notre cher Pétré était parmi les vivants ; il avait même fait une déclaration que tous nos amis ont pu lire ou entendre. Mais dans quel état physique allions-nous le retrouver ? L’inquiétude subsistait. Mais enfin nous avions des nouvelles, des nouvelles positives et, malgré tout, rassurantes, réconfortantes ; désormais, il n’y avait plus qu’à s’armer de patience.

Le mercredi 25 avril, dans l’après-midi, comme une traînée de poudre, le bruit nous parvint que le retour était très proche, un télégramme, daté de Jeumont à 8 heures, annonçait «Arrivée imminente». Aussitôt l’accueil était organisé.

Il s’agissait de ne pas «manquer le train», mais à quelle heure, par quel convoi arriverait-il ? Dans l’ignorance où nous nous trouvions, il fallait donc être présents à l’arrivée de tous les trains. Le jeudi 26 avril à 13h 30, les camarades virent défiler un à un les «rapatriés», sans apercevoir la silhouette familière attendue. Le train de 14 heures déversa à son tour le flot des rapatriés ; il ne se trouvait pas parmi eux. L’aurait-on manqué ? Tard dans l’après-midi, un nouveau télégramme précisait «arrivée dans la nuit».

Cette fois, plus de doute, ce serait certainement le train de 23 heures qui serait le bon. Hélas, ce renseignement précis n’avait pu être diffusé parmi nous. Seuls quelques «privilégiés» avaient été touchés. Et cependant, nous étions nombreux. Dès 22h 45, nous étions réunis en gare, un groupe compact et joyeux où pointait déjà une pointe d’inquiétude : sera-t-il là ? Dans quel état ? Ces questions, nous le sentions bien, chacun se les posait dans la foule impatiente. Enfin, le train entra en gare. Spontanément, La Marseillaise éclata, chantée par tous, jeunes et vieux, et le défilé commença sous les clameurs et les vivats. Dès qu’ils étaient reconnus au passage, les rapatriés, un à un happés par les leurs, disparaissaient sous l’étreinte multipliée de leurs proches : les mères, les épouses, les enfants. Je renonce à décrire ces explosions de joie sous les larmes et les rires.

L’un d’entre nous qui, enfreignant le service d’ordre, s’était avancé jusqu’au train, revint consterné : «Le Lieutenant-colonel Pétré, m’a-t-on dit, n’est pas dans ce train ; il est le chef du détachement suivant qui arrivera vers 3 heures du matin». Eh bien, nous attendrons !

Le défilé continuait, marqué toujours des mêmes cris joyeux et des vivats à l’adresse des soldats noirs, des Marocains dont les figures rayonnantes attiraient la sympathie de cette foule vibrante. Et brusquement, on entendit : le voilà ! Et c’était vrai, il était là. Oui, c’était bien lui, vêtu d’une capote kaki, le visage émacié par la souffrance et la fatigue, mais rayonnant de surprise et de joie.

Déjà il avait disparu, happé et englouti par notre groupe. Je pus enfin, après un long moment, l’embrasser, comme un frère retrouvé. De tels moments, de telles émotions ne se racontent pas, où trouver les mots pour peindre le plus haut sommet de l’amitié et de la joie ? Des instants comme ceux-là, exceptions rarissimes dans une existence, il faut les avoir vécus.

Il était là, au milieu de nous, pressé, assailli, accaparé et souriant, racontant déjà son odyssée dont hélas, nous ne pouvions saisir que des fragments dans le tumulte de la foule. Son odyssée, il nous la contera lui-même, nous en sommes certains, c’est en tous cas le vœu que nous émettons en achevant ce bref aperçu des évènements qui, pour nous, restera marqué d’une façon indélébile dans notre mémoire.

Et maintenant, en avant pour les «lendemains qui chantent», lendemains préparés par tous ceux qui, comme notre cher Président, ont combattu, peiné, souffert et risqué délibérément le suprême sacrifice pour que vive et revive la patrie. Et pour vous tous, mes chers amis du 141e, gardons pieusement dans notre souvenir pour les fêter en de joyeux anniversaires, ces deux dates qui jalonnent la route de nos déboires et de nos espoirs, le 4 juillet 1943, le 26 avril 1945. Mesurons, si nous le pouvons, la somme inouïe des souffrances, des tortures subies et supportées par notre chef. Admirons comme il le mérite ce cœur vaillant qui a su, envers et contre tout, conserver sa vigueur physique, morale, intellectuelle. Désormais, nous avons retrouvé notre guide et quel guide ! Aidons-le, groupons-nous toujours plus unis autour de lui et vive notre nouveau Colonel !

Le 28 avril 1945.

C. B.

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  • : Colonel Pétré, la Résistance à Marseille
  • : Biographie du Lieutenant-Colonel Jean-Baptiste Pétré, chef régional de l'Armée Secrète AS à Marseille. Archives de l'AS, de la déportation, de l'épuration. Campagne de France et Résistance durant la 2ème guerre mondiale.
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