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20 juillet 2010 2 20 /07 /juillet /2010 11:09

Ils y laissèrent leurs bottes

Capitaine Dudouet

Chapitre de l’ouvrage «Je te dis que c’est vrai»

Marseille 1947

 Capitaine Dudouet

Ce chapitre est dédié par son auteur «à notre cher Pétré. Témoignage de dévouement. Mon colonel, vous fûtes vengé».

Dans la préface des ces récits autobiographiques, le capitaine Dudouet écrit: « Je rentrai au bataillon des Marins-Pompiers le 1er juin 1942. Ce fut notre glorieux chef, le capitaine Pétré, actuellement lieutenant-colonel, qui fit intervenir le général Granier, près du commandant Chatelet, de la caserne Strasbourg à mon sujet.

 

Il faisait noir, très noir, elle était même étrange cette nuit, non par ses ténèbres profondes, mais par un je ne sais quoi qui vous faisait frémir malgré vous. Le grand Arc de triomphe de la place d’Aix était semblable à ce qu’il était tous les jours. Le Marseillais passant n’osait dire: «té vé… la belle…» et les couples ne se lutinaient plus près de ses murailles imposantes.

Tout était désert et misérablement triste.

De temps en temps, le bruit des bottes claquait sur les dalles et les trottoirs d’asphalte, causant un peu de cette anxiété qui nous étreignait tous. Les trams eux-mêmes ne roulaient plus.

Adieu les ritournelles de jadis. Tout était triste, triste à mourir.

-Dis donc Pierre, je te dis qu’il nous suit.

-Mais il ne s’occupe même pas de nous.

-Mais si, mais si, alors qu’est-ce qu’on fait?

-Laisse ton pistolet tranquille, ça fait trop de bruit.

-Regarde, il tourne à droite… cette fois pas d’erreur, ah, marchons vite…

-Passe devant, Pierre.

-Es-tu prêt?

C’était tout près d’un bar pas très bien fréquenté… Les Noirs, les Africains, les Gouapes s’y donnaient rendez-vous. Un de ces bars quelconque, mais inquiétants, nombreux dans les parages.  D’une petite chambre du troisième, j’avais fait une cachette. J’y venais souvent «opérer»…

Il était près de minuit. Le couvre-feu était sonné. Les seuls témoins furent les matous qui désespérément miaulaient en quête d’aventures non couronnées de succès; d’ailleurs, ils devenaient très rares? La faim étant maîtresse, elle faisait ses victimes. Qui n’a pas mangé son chat?

Pierrot passe devant le Boche, et ce fut très vite fait. La bousculade eut lieu, le couteau fut planté. La porte s’ouvrit toute grande et se referma vivement sur nous. Un mouchoir sur la bouche empêche les hoquets. Nous fîmes quelques pas vers la cave et déchargeâmes notre fardeau.

Vous qui lisez ceci, les deux pieds dans les pantoufles, fermez les yeux, suivez moi bien. Ce fut le lendemain qu’il fallut le monter, raide sur mes épaules, jusqu’au troisième étage, l’œil aux aguets, profitant de l’absence des voisins de pallier. Essayez de deviner le reste. Non, n’est-ce pas, vous renoncez… Sacré Pierrot…

Tu fus le roi. Il fut mon aide, car une scie à métaux et un couteau de boucher furent les instruments qui me servirent à faire disparaître cette horreur. Je fis plusieurs voyages avec mes deux valises. Le Vieux-Port fut discret et ne me vendit jamais.

Passant, que tu sois en tram ou à pied, au milieu de la foule qui t’entoure, tourne la tête à droite, vers ce petit coin, et pense que naguère ils y laissèrent leurs bottes.

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  • : Colonel Pétré, la Résistance à Marseille
  • : Biographie du Lieutenant-Colonel Jean-Baptiste Pétré, chef régional de l'Armée Secrète AS à Marseille. Archives de l'AS, de la déportation, de l'épuration. Campagne de France et Résistance durant la 2ème guerre mondiale.
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