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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 20:45

Introduction

 

Mots-clef : Colonel Jean Pétré, Occupation à Marseille et Sud est, Résistance à Marseille, Bouches-du-Rhône et Provence, AS Armée secrète, Amicale des Anciens du 141e RIA Régiment d’Infanterie Alpine, déportation, camp de Buchenwald, Libération,  épuration.

Le Lt-colonel Jean Pétré (1896-1959) est depuis bien longtemps tombé dans l’oubli. Chef régional de l’Armée Secrète (AS) à Marseille, «héros et martyr de la Résistance», déporté à Buchenwald, Grand officier de la Légion d’honneur… seule une petite rue marseillaise porte son nom et une plaque rappelle aux passants où se trouve sa maison natale à Saint-Jean-Pied-de-Port. Tous les hommes de sa génération, ses camarades résistants comme ses amis du 141e RIA, ont disparu. Au début du XXIe siècle, le Dr Jean-Paul Chiny et son épouse Simone Moulet exhument quelques pans de la Résistance marseillaise, ils recueillent des témoignages, recensent les plaques commémoratives sur les murs de leur ville, créent un site. Sensibilisé par leur démarche, j’ai décidé de mettre en ligne un ensemble d’informations et de documents concernant mon parrain, le colonel Jean-Baptiste Pétré.

 

JEAN PÉTRÉ 1ER MARS 1958

Le colonel Pétré en mars 1958

Le lecteur trouvera ici les éléments suivants :

+ Le texte du livre dédié «A la mémoire colonel Pétré» réalisé peu après son décès par l’Amicale des Anciens du 141e RIA (articles n° 80 à 76, chapitre 1 de ce blog).

+ L’arrestation du colonel Pétré par la Gestapo à Marseille, racontée par son neveu, Pierre Duny-Pétré (articles n° 75 chapitre 1 et 74 chapitre 2 de ce blog).

La présentation du contenu des archives du colonel Jean Pétré :

+ Archives de l’Armée Secrète, AS, (1941-1943), 218 documents (articles 73 à 70, chapitres 2 et 3 de ce blog).

+ Les noms de codes et pseudonymes utilisés dans ces archives et décryptés par le professseur J. M Guillon (article n° 69, chapitre 3 de ce blog).

+ Deux extraits du Dictionnaire historique de la Résistance sur l’Armée secrète er son chef, le général Delestraint (articles 68 et 67, chapitre 3 de ce blog).

+ Les archives sur le colonel Pétré en prison et déporté au camp de Buchenwald (1943-1945), 54 documents (articles 66 et 65, chapitre 4 de ce blog).

+ La libération du camp de Buchenwald (1945), 50 documents (article 64, chapitre 4 de ce blog).

+ Le Livre noir pour la XVe région, 11 documents (article 63, chapitre 4 de ce blog).

+ Un dossier Crimes de guerre ennemis: le colonel Pétré fut nommé le 4 juillet 1945 Délégué régional du service de recherche des crimes de guerre ennemis, 48 documents (articles 62 et 61, chapitres 4 et 5 de ce blog).
+ Un dossier Waffen SS de Cavaillon, documents d’enquêtes, 41 documents (articles 60 et 59, chapitre 5 de ce blog).

+ Un dossier Enquêtes sur la collaboration, 54 documents (articles 58 et 57, chapitre 5 de ce blog).

+ Un dossier Sabotage de l’épuration, 55 documents présentation du contenu (articles 56 et 55, chapitre 6 de ce blog).

+ Les archives du capitaine Pétré, commandant la 6e compagnie du 2e bataillon au 141e RIA, 1939-1940, 240 documents (articles 54, 53 et 52, chapitre 6 de ce blog).

+ Le journal de campagne de la 6e compagnie, 2e bataillon du 141e RIA (articles 51 à 47, chapitre 7 de ce blog) .

+ Une interview de Jean Pétré parue dans l’Alpin en 1945-1946 (bulletin de l’amicale du 141e RIA) : «L’aventure du capitaine» (articles 46 à 43, chapitre 8 de ce blog).

+ Archives de la correspondance de Jean Pétré (1939-1941), 53 documents (article 42, chapitre 8 de ce blog).

+ Le colonel Pétré après la guerre, états de service, grades, décorations, associations

de résistants (1945-1959), 72 documents (articles 41 et 40, chapitre 9 de ce blog).

+ Le colonel Pétré, décès et hommages (1959-1981), 43 documents (article 39, chapitre 9 de ce blog).

+ Un poème de Prosper Imbert après le décès du colonel Pétré (article 38, chapitre 9 de ce blog).

+ Des articles du journal Massalia du 28 avril 1945, de La Marseillaise du 18 avril 1945, du Provençal du 27 avril 1945, de L’Alpin du 141 (bulletin de l’amicale), relatant divers épisodes de la Résistance et de la libération du colonel Pétré (articles de 37 à 32, chapitres 9 et 10 de ce blog).

+ Présentation du rapport Flora extraite du Dictionnaire historique de la Résistance (article 31, chapitre 11 de ce blog)..

+ Le texte du rapport Flora où figure le nom de Jean Pétré (articles de 30 à 27, chapitre 11 de ce blog).

+ Plusieurs articles des professeurs Jean-Marie Guillon et Robert Mencherini sur la Résistance et la Libération en Provence et à Marseille (articles 26 à 23, chapitre 12 de ce blog).

+ Un extrait d’un livre du capitaine Dudouet dédié à Jean Pétré (article 22, chapitre 12 de ce blog).

+ Une bibliographie des ouvrages dont le contenu est lié à celui de ce site (article 21, chapitre 13 de ce blog).

 

Pierre Duny-Pétré Jean Pétré

Pierre Duny-Pétré et Jean Pétré en 1950

 

Une photocopie de l’intégralité des archives de l’AS et la liste sur papier des archives en notre possession, ont été déposées en 2010, auprès des organismes et personnes suivantes : les historiens Jean-Marie Guillon et Robert Mencherini, le Docteur Jean-Paul Chiny www.resistancemarseillaise-r2.fr, l’AERI (Association pour les études de la résistance intérieure, les Archives départementales des Bouches-du-Rhone, le Mémorial des Camps de la mort à Marseille, l’Association française Buchenwald, Dora et Kommandos.

 été déposée auprès de cette dernière association une copie des deux dossiers suivants : «Le colonel Pétré en prison et déporté au camp de Buchenwald» et «La libération du camp de Buchenwald».

L’historien Jean-Marie Guillon a reçu copie des dossiers suivants : Archives de l’Armée Secrète, Le Livre noir pour la XVe région, Crimes de guerre ennemis, Waffen SS de Cavaillon, Enquêtes sur collaboration et enfin Sabotage de l’épuration.

 

Liens internet: http:// http://pierredunypetre.over-blog.com

 

 

g Nota: Ici sur votre droite, vous trouverez une liste intitulé "Articles récents". Au bas de cette liste, vous pouvez cliquer sur "liste complète". Vous affichez ainsi tous les articles du blog et donc accédez à l'ensemble de son contenu.

 

 Appel

Je suis à la recherche des numéros parus en 1946 de l’Alpin du 141, bulletin de l’Amicale régimentaire des anciens du 141e RIA. Ils contiennent une interview du colonel Jean Pétré parue au fil des numéros. Toute personne possédant ces numéros est priée de me contacter : Arnaud Duny-Pétré à Bayonne, arnaud.duny-petre@laposte.net

Plaque Marseille Chinyrekin

Le Dr Jean-Paul Chiny, à Marseille, rue du colonel Pétré,

au pied de la plaque (journal La Marseillaise du 2 septembre 2007) 


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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 20:44

A la mémoire

du colonel Jean Pétré

 

 

Jean Pétré 1955  

Le lieutenant-colonel Jean Pétré en 1955.

 

¦ Cet ouvrage a été écrit à la mémoire du colonel Jean Pétré par l’Amicale des Anciens du 141e RIA, en collaboration avec sa famille et ses amis.

 

Table des matières

 

Etat des services militaires du Colonel Pétré

Préface

Première partie : Du Pays Basque à Marseille

I.-La famille

II.-L’enfant de Saint-Jean

III.-Le jeune homme

 

Deuxième partie : Le jeune officier, Marseille (1925-1939)

I.-Le journaliste et l’écrivain

II.-Le dilettante

II.-L’officier de réserve

 

Troisième partie : La guerre de 1939-1945

I.- Le capitaine

II.- Le président de l’amicale du 141e

III.- Le résistant et le déporté

 

Quatrième partie : La Libération et l’après-guerre

I.- Le retour à Marseille

II.- L’appel de la terre natale

II.- La mort et les obsèques

 

Cinquième partie : L’hommage de Marseille

I.- Cérémonie religieuse du 19 avril 1959

II.- Cérémonie du 26 mai 1959 à Marseille

III.- Inauguration de la plaque commémorative à Saint-Jean-Pied-de-Port

IV.- Dernier témoignage

 

Témoignage de Pierre Duny-Pétré : L’arrestation par la Gestapo de Marseille

du colonel Jean Pétré, chef régional de l’Armée Secrète, le 4 juillet 1943

 

 

Etat des services militaires du colonel Jean-Baptiste Pétré,

 né à Saint-Jean-Pied-de-Port le 27 octobre 1896,

décédé dans la même ville le 7 avril 1959.

 

Au titre des Réserves. Incorporé au 18e Régiment d’infanterie, 2e classe, le 3 septembre 1917.  Nommé caporal le 26 juillet 1918.  Nommé sergent le 26 août 1918.  Nommé aspirant le 7 octobre 1918.  Aux Armées aspirant le 14 octobre 1918. Nommé sous-lieutenant T.T. le 15 juin 1919.  Nommé sous-lieutenant T.D. le 13 avril 1921. Nommé lieutenant le 14 avril 1925.  Affecté au 141e Régiment d’Infanterie alpine, lieutenant le 25 mars 1927. Nommé capitaine le 25 décembre 1937. Nommé chef de bataillon le 25 décembre 1944. Nommé lieutenant-colonel le 25 mars 1946.

 

Décorations et citations

Croix de guerre 1939-1945, étoile d’argent le 25 juin 1940.  Croix de guerre 1939-1945, étoile de bronze le 9 juillet 1940. Croix de Combattant volontaire 1939-1945. Chevalier de la Légion d’Honneur le 15 juillet 1945. Croix de guerre 1939-1945, palme le 15 juillet 1945. Médaille de la Résistance le 17 mai 1946. Officier de la Légion d’Honneur le 29 décembre 1948. Croix de guerre avec palme le 29 décembre 1948. Commandeur de la Légion d’Honneur le 28 mars 1957. Grand Officier de la Légion d’Honneur le 7 août 1959.

 

Préface

 

Un «Comité Pétré» s’est formé, lors de la mort de Jean Pétré, de façon rapide et spontanée : parents et amis personnels du défunt, camarades des PTT, anciens du 141e Régiment d’Infanterie alpine, compagnons de Résistance. Ce comité s’est appliqué d’abord à honorer la mémoire du disparu lors de ses obsèques à Saint-Jean-Pied-de-Port, puis à Marseille lors des différentes cérémonies qui ont suivi. Il a formulé le vœu qu’une brochure plus importante que le numéro spécial de l’Alpin du 141e RIA, fixe le souvenir laissé par Jean Pétré, qu’elle soit de notre part un hommage attristé, mais en même temps affectueux et admiratif. C’est ce que l’on a tenté de réaliser dans les pages que voici. On y trouvera :

- une biographie retraçant les différentes étapes d’une vie, dont beaucoup d’entre nous ne connaissaient qu’une tranche ou qu’un aspect ;

- le récit des obsèques, d’après le quotidien local du Pays Basque, qui est resté ignoré hors de cette région ;

- les allocutions prononcées à Marseille lors de la messe que l’Amicale régimentaire du 141e RIA a fait célébrer et lors de la cérémonie du Fort Saint Nicolas ;

- enfin le compte rendu de l’inauguration d’une plaque commémorative sur sa demeure natale de Saint-Jean-Pied-de-Port.

C’est assez peu de chose au total, bien moins que ce que nous aurions souhaité ; c’est beaucoup mieux que rien, et nous espérons que ces pages aideront les amis si nombreux de Jean Pétré à garder le souvenir de son passage parmi nous.


Première partie : Du Pays Basque à Marseille

 

Jean-Baptiste Pétré est né le 27 octobre 1896 à Saint-Jean-Pied-de-Port (Basses-Pyrénées), ancienne capitale fortifiée de la Navarre française, et dont le nom basque est Donibane Garazi. Son père, Pierre Pétré, était fabricant de sabots, et sa mère, Catherine Carricaburu, était couturière. Il a deux soeurs plus âgées que lui, Marie et Jeanne. A l’intérieur des remparts, vers le haut de la rue d’Espagne, sa maison natale est une ancienne forge de serrurier du XVIIIe siècle, datée de 1756. Elle se distingue des demeures voisines par des inscriptions et des croix sculptées sur les linteaux de la façade, selon l’ancienne coutume de Basse Navarre.

 

I.- La famille

 

Tout ceci nous indique déjà clairement qu’il s’agit d’un Basque. A première vue, son nom de famille Pétré ne présente pas les caractéristiques de certains patronymes basques qui désignent souvent des noms de lieux. Ainsi, le nom de sa mère Carricaburu signifie littéralement «le haut de la rue». Cependant, Pétré serait une déformation francisée de l’ancien prénom Pétry, assez courant parmi les Basques depuis le XVIe siècle, et signifiant Pierre. D’ailleurs, il existe toujours en langue basque une série de prénoms qui ont tous le même sens : Petri, Pette, Petiri, Bethiri, Betti, pour ne parler que des plus courants. Parmi les noms basques de même origine, on peut noter aussi Pétricorrena (celui de Pierre), Petrissans (Pierre-Sanche), Donapetri, etc. De souche essentiellement paysanne, Jean-Baptiste Pétré subit évidemment l’influence du milieu dans lequel il fut élevé.

 

Pétré familia

La famille au début du XXe siècle. A droite, sa mère Catherine Carricaburu, Jean Pétré, sa soeur Jeanne, sa soeur Marie, son père Pierre Pétré (portant un béret).

 

A- Du côté paternel

Nous trouvons surtout des artisans : charpentiers, menuisiers, serruriers, forgerons. Ils se distinguèrent par leur adresse et leur sens artistique. Certaines de leurs oeuvres sont encore visibles à Saint-Jean-Pied-de-Port, qu’il s’agisse des galeries en bois de l’église, des balcons en fer de la rue d’Espagne, ou des grilles et des vieilles croix forgées du cimetière. Peut-être aurons-nous ici l’explication de son penchant inné pour les Beaux-Arts, ainsi que de son sens de la mesure et de l’élégance qui ne le quittait jamais dans tout ce qu’il entreprenait.

Mais de son père, il tient surtout une affabilité extrême, un sentiment de justice assez chevaleresque et qui friserait aujourd’hui le ridicule. Il ne passait pas un mendiant ou un vagabond dans la rue d’Espagne, sans que le maître de la maison ne l’invitât généreusement à la table familiale, au grand désespoir de Mme Pétré qui appréhendait toujours quelque mauvais coup.

 

Rue-d-Espagne-Petre-serrurier.jpg 

Début de XXe siècle, la rue d'Espagne à Saint-Jean-Pied-de-Port, berceau de la famille Pétré.

 

Les greniers de la maison sont pleins de vieux fusils, de pistolets à pierre et de sabres de toute espèce. Ce sont là les souvenirs des guérillas que livrèrent dans la montagne navarraise les partisans du prétendant Don Carlos en 1836 puis en 1873. Et pourtant, la famille Pétré était aussi peu royaliste qu’il est possible au monde, dans cette cité de Saint-Jean-Pied-de-Port où vit le jour en 1828 le Président du Conseil, Charles Floquet. Mais les Navarrais sont des Basques, des frères et des persécutés. C’est ainsi que le grand-père de Jean Pétré  n’hésita jamais à ouvrir la porte de sa ferme aux malheureux partisans carlistes épuisés qui venaient se ravitailler clandestinement en territoire français. Dans sa porcherie, il y eut des dépôts d’armes, dans son champ de maïs des sacs d’écus, et dans sa grange dormaient pendant le jour de pauvres soldats qui ressemblaient à des brigands…

Son sens profond de l’hospitalité, sa bonne humeur foncière, mais aussi une certaine légèreté d’esprit allant jusqu’à l’imprudence, Jean Pétré doit certainement tout cela à la famille de son père.

 

B- Du côté maternel

Les Carricaburu étaient tous des cultivateurs. Originaires de Jaxu, la patrie de Saint François Xavier, ils vécurent sur leurs terres, à Aincille et à Caro où se trouve toujours une vaste tombe de quatre croix navarraises qui porte leur nom.

 

Batalioa-Salaberria-4-guztbis-2006_crop.jpg

La maison natale de Jean Pétré, rue d'Espagne à Saint-Jean-Pied-de-Port en 2006.

 

Ici, nous retrouverons plutôt le bon sens solide du paysan qui connaît la valeur et l’ingratitude des travaux de la terre. C’est aussi l’honnêteté native du Basque qui croit en Dieu, et sa fidélité à toute épreuve lorsqu’il a donné sa parole. C’est enfin l’attachement à la maison natale, car la demeure basque est quelque chose de sacré : on s’endette, on se ruine plutôt que de la voir livrée à des étrangers. Au besoin même, on s’expatrie en Amérique avec l’espoir de gagner assez d’argent pour la racheter. Mais grâce à de tels sacrifices, on a la satisfaction de rester indépendant, fier, et même frondeur : on ne doit plus rien à personne…

Cette idée obsédante d’avoir à gagner sa liberté à la sueur de son front, cette passion de l’indépendance familiale, voilà donc ce qu’il doit à la famille de sa mère.

 

II.- L’enfant de Saint-Jean

 

Jean-Baptiste Pétré grandit donc à Saint-Jean-Pied-de-Port. Le basque étant sa «première langue», il n’apprit le français qu’à l’école communale. Il nous est facile de faire le tour de son univers.

Voici donc la rue d’Espagne qui monte vers le Sud, en direction de Roncevaux. C’est une voie bruyante où retentissent les jurons sonores des muletiers navarrais vêtus de boléros et de culottes de velours serrées à la taille par une immense «cinta» de laine rouge qu’ils entouraient jusqu’au milieu de la poitrine… C’est que la frontière est là, toute proche, et la Basse-Navarre se sent attirée vers Pampelune, son antique capitale. Avant la guerre de 1914, c’est grâce aux infatigables mulets que se faisait ici un petit commerce international, qu’il s’agisse de vins, de laines, de cuirs, de tissus, et de tout ce que pouvait produire l’artisanat local.

Il y a aussi la Citadelle dont on escalade les remparts en compagnie de tous les galopins du voisinage, afin d’entrevoir les exercices des beaux militaires de la claironnante garnison. C’est là un lieu de prédilection pour jouer à la petite guerre, dans les fossés, sur les bastions et les contrescarpes.

Voilà encore la Nive, torrent clair et limpide qui s’abstient parfois de bondir afin de passer dignement sous «les ponts que César éleva»… Elle était surtout peuplée de truites, de goujons et d’écrevisses, pour la plus grande joie des enfants qui s’y baignaient, à une époque où la pêche n’était pas encore «réservée».

  Jeanne, Jean et Marie Pétré

Jean Pétré entre ses deux soeurs, Jeanne et Marie.

 

Enfin, nous avons l’église et le fronton du jeu de paume, ces deux pôles d’attraction traditionnels de la population basque. Au fronton, les parties de pelote se prolongent interminablement en revanches et en belles, au détriment des espadrilles dont les semelles de corde finissent par s’effilocher en «moustaches». Et l’on coupe soigneusement celles-ci, afin de dissimuler à ses parents l’étendue des dégâts… A l’église, le petit Jean-Baptiste est enfant de chœur. C’est un garçon modèle. Il connaîtra bientôt à fond son catéchisme en basque.

L’école communale accueille en lui un enfant très éveillé. Ne connaissant pratiquement pas le français, il devient rapidement le meilleur élève pour la «composition française». Il a même déjà le sens de la discussion et de la polémique et ses dons naturels ne feront que croître et embellir jusqu’à l’époque où il sera connu comme conférencier de talent.

 

III.- Le jeune homme

 

Pour l’instant, ses maîtres lui prédisent une belle carrière dans l’enseignement. Il faut dire que, parmi les rudes montagnards des villages basques, on ne pouvait concevoir alors de destinée plus brillante, à moins de prendre ses dispositions pour se faire prêtre ou militaire… Le jeune Jean-Baptiste partit donc finir ses études à Bayonne. En 1913, il obtint le brevet supérieur. Toutefois la grande ville lui avait ouvert les yeux et les oreilles, et c’est ainsi qu’il se présenta au concours administratif qui venait de s’ouvrir pour le recrutement de Contrôleurs des Poste-Télégraphes-Téléphones. Reçu parmi les premiers, il fut nommé, peu de temps après, dans la région parisienne.

 

Jean Pétré service militaire 1916 

Jean Pétré pendant son service militaire.


Mais la Grande guerre approchait à grands pas. Jean Pétré fit son service militaire au 18e Régiment d’infanterie. On le retrouve bientôt comme élève officier à Cholet. En 1918, il est nommé aspirant et participe aux dernières opérations de la guerre. Ce n’est qu’un gamin d’une vingtaine d’années, tout étonné de se retrouver à la tête d’une section de «vieux briscards». Mais il n’a aucune difficulté à s’imposer et même à susciter l’admiration de «ses hommes».

 

Jean Pétré 1918 

Jean Pétré à la fin de la guerre de la première guerre mondiale.


Démobilisé avec le grade de sous-lieutenant, il reprit ses fonctions de contrôleur des postes à Paris puis à Alençon. Vers 1925, il fut affecté au Service des ambulants de la gare Saint-Charles à Marseille. Là, une vie nouvelle va s’offrir à lui, dans l’euphorie de cette époque «d’entre deux guerres». Son travail de nuit dans les wagons postaux de la ligne Marseille-Lyon, lui laisse régulièrement plusieurs journées de repos par semaine. Avec son vieil ami Emile de Vireuil, il se lance alors passionnément dans le monde du théâtre, de la littérature et du journalisme. Divers journaux tels que Théâtra, puis Massalia, ouvrent largement leurs colonnes à ses articles. Le poste émetteur de Marseille Réaltor offre ses micros à ses conférences.

C’est ainsi que Jean Pétré, postier pendant la nuit, se métamorphose pendant le jour en un élégantissime jeune dilettante, connu sous le nom de Jean Duhalde et que s’arrachent tous les cercles littéraires et artistiques de Marseille.

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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 20:44

Deuxième partie : Le jeune officier

Marseille 1925-1939

 

I.- Le journaliste et l’écrivain

 

Jean Pétré s’installe donc à Marseille, 7 rue Puget, dans un appartement qu’il partage avec son collègue Emile Billot, Marseillais de vieille souche, qui termine sa carrière de postier comme instructeur des jeunes contrôleurs. Nous avons là deux célibataires. Ils ont pour les servir une gouvernante, Madeleine Dupeyron, l’ancienne repasseuse de la rue Puget, qui loge dans l’immeuble situé exactement en face de leur appartement.

M. Billot qui possède une culture et une intelligence peu communes, est déjà connu à Marseille comme publiciste et conférencier, sous le nom de Emile de Vireuil. C’est le rédacteur en chef de l’hebdomadaire Massalia dont le directeur est Paul Goyet. Sous son influence, Jean Pétré devient le principal collaborateur du journal et prend le pseudonyme de Jean Duhalde. Il lit énormément et suit avec passion toutes les manifestations de l’esprit et de l’art. Bientôt, il se spécialise dans le genre moqueur, tout en sachant rester amusant et spirituel. Chaque semaine, son article fantaisiste «Ecrit en pyjama», ainsi que ses «Echos» savoureux, ont un succès toujours grandissant.


EMILE DE VIREUIL ET JEAN PÉTRÉ, 7 RUE PUGET, 1936

 Emile de Vireuil et Jean Pétré au 7 rue Puget à Marseille.

 

Jean Duhalde fait aussi périodiquement des conférences à la radio de Marseille. Il a beaucoup travaillé son style, toute son attrayante personnalité apparaît pleinement dans des phrases ou des expressions bien à lui qui font le régal des auditeurs. Bientôt, il compose des romans d’aventures du genre policier qui paraîtront en feuilleton dans Massalia. Nous citerons en particulier le mystère du Pharo, l’affaire Cauvin ou le drame de la Blancarde, le Boudha de Jade, etc. Le genre historique le tente aussi et c’est ainsi qu’il écrit un ouvrage sur la pittoresque personnalité du gentilhomme et brigand provençal, Gaspard de Besse. Nous avons aussi de lui, en vers cette fois, quelques drames lyriques faits en collaboration avec Emile de Vireuil.

Au milieu de la diversité de son œuvre, le Pays Basque n’est cependant pas oublié. Voici notamment Etxaldea, la petite propriété rurale, roman de mœurs, dont il tire une pièce en trois actes intitulée Leur maison. Voilà aussi quelques nouvelles, Ixabela, qui a pour cadre la vieille ville de Saint-Jean-Pied-de-Port pendant les années qui précèdent la Grande guerre et Sorginak, Les Sorciers, récit heroï-comique où l’on retrouve le caractère superstitieux des montagnards basques.

Par ailleurs, Jean Duhalde fréquente beaucoup les artistes lyriques, les peintres, les sculpteurs et les hommes de lettres. Signalons au hasard de ses connaissances Pierre Marseille, qui fera de lui le portait célèbre de L’homme au camée, belle toile d’environ un m2 ; Suzanne Sardin, qui dessinera sa tête de profil. Il restera très lié avec le sculpteur marseillais Raymond Servian, ainsi qu’avec Léon Bancal qui s’identifie toujours avec Le Provençal.

 

Portrait Jean Pétré par Pierre Marseille, 1932

"L'homme au camée", portait de Jean Pétré par Pierre Marseille, dans l'appartement du 7 rue Puget.

 

Parmi d’autres amitiés solides et sincères, nous noterons comme au hasard des différentes époques de sa vie : M. Sagardoy, industriel à Marseille, un ami d’enfance, retrouvé par hasard dans la grande cité phocéenne ; le R. P. Camille Valette, Grand prieur des Dominicains, dont la famille est originaire du Pays Basque et qui vécut longtemps à Saint-Maximin et à Sainte-Baume ; M. Balansard, professeur à la Faculté de médecine de Marseille ; M. Boujart, docteur en pharmacie à Saint-Maximin (Var) ; M. Giocanti, avocat au barreau de Marseille ; et surtout l’actuel colonel Simon dont nous reparlerons.

 

II.- Le dilettante

 

Tous ceux qui ont connu Jean Duhalde savent qu’il était ce qu’on appelle à Marseille «un beau jeune». Très coquet et soigneux de sa personne, toujours au courant de la dernière mode, il a l’élégance d’un véritable Jeune premier et selon son expression, il fait «des ravages dans les cœurs féminins». Au cours de ses congés, il s’évade parfois vers la Côte d’Azur où l’on vient justement de «découvrir» un charmant petit village de pêcheurs appelé Saint-Tropez, et que la meute des Parisiens et des snobs ne fréquente pas encore. Aimant la société, brillant causeur, danseur infatigable, nous le retrouvons là-bas, avec toute une bande de jeunes gens de son âge, parmi les estivants d’avant la guerre. Féru de bains de soleil dans les roches des calanques, on le voit aussi danser le Charleston à l’ombre des palmiers.

 

Jean Pétré 1927 escalier gare St Charles

Le mondain et l'arbitre des élégances: Jean Pétré en 1927 sur l'escalier de la gare Saint-Charles à Marseille. 

 

En 1934, sa carrière dans les PTT lui vaut d’être nommé Contrôleur des services maritimes postaux sur la ligne d’extrême-orient. C’est ainsi qu’il s’embarquera sur le Porthos, à destination du Japon. Un pareil voyage, quoique long et fatigant, devait présenter pour lui tous les plaisirs d’une croisière. Ce fut effectivement une sorte de couronnement de sa vie mondaine. Changeant de costumes plusieurs fois par jour, il devient à bord le véritable arbitre des élégances, et parmi les passagers «la coqueluche de ses dames». Une longue et amusante correspondance avec son ami de Vireuil fait état de ses impressions de voyage, qu’il s’agisse de la vie à bord des paquebots, des escales en des ports lointains, ou de ses fréquentations aussi variées que pittoresques.

De retour à Marseille, il se sent tout de même un peu las, et pour la première fois, il éprouve un réel plaisir à aller faire un long séjour dans ses «vertes Pyrénées».

Depuis quelques années, il s’intéresse tout particulièrement à l’éducation de son neveu Pierre dont il suit de près les études au Lycée de Bayonne. En 1935, il le fait venir à Marseille, afin de lui permettre de préparer sa licence ès-Lettres à Aix-en-Provence. L’oncle et le neveu deviennent inséparables. Quoique de caractères fort différents, ils partagent les mêmes goûts artistiques et littéraires, ils aiment la mer, le soleil, la natation et surtout le canoë, que l’on a remisé à l’entrée du Vieux-Port. Dans le quartier de Saint-Jean que dominent les câbles énormes du Pont transbordeur, on les appelle «les deux frères»… et le neveu d’ajouter : «Bien entendu, c’est moi l’aîné !»

 

III.- L’officier de réserve

 

Oui mais, de temps en temps, pendant des «périodes» plus ou moins longues, le joyeux Jean Duhalde s’estompe pour céder la place à l’Officier de Réserve Jean Pétré.

Voilà encore ici un nouvel aspect de sa vie. Cet homme étonnant, aux activités aussi nombreuses que débordantes se transforme tout à coup en un excellent commandant de compagnie que «ceux de l’active» jalousent d’ailleurs quelque peu. Le 141e RIA est devenu déjà «son» régiment. Au cours de nombreuses manœuvres qu’il fait à Carpiagne ou dans les Alpes, il apprécie à sa juste valeur, l’endurance, la gaîté et l’audace tranquille de jeunes méditerranéens, qu’il s’agisse de Provençaux, de Corses, de Niçois ou de Languedociens. Il aime leur caractère frondeur dans lequel il se retrouve quelque peu lui-même. Pour lui, un soldat n’est jamais mauvais, du moment qu’il fait preuve de «cran» et qu’il a bon cœur. Du reste, de très nombreuses photos qu’il gardera de ces «manœuvres» prouvent bien à quel point il était déjà attaché aux Alpins du 141e.

 

Jean Pétré 1937

Jean Pétré, officier de réserve en 1937.

 

C’est aussi dans cette ambiance montagnarde et sportive des périodes militaires, qu’il fait la connaissance d’un officier de Chasseurs alpins, le futur colonel Simon, dans le civil, Chef du Service départemental des travaux cadastraux. Les deux réservistes sympathisent tout de suite. Leurs caractères sont pourtant bien différents. D’origine bourguignonne, M. Simon n’a même physiquement rien de commun avec M. Pétré. Solide et râblé, c’est un skieur éprouvé et un fervent des escalades en haute montagne, ayant été autrefois président de la Société des alpinistes dauphinois de Grenoble. Mais il faut croire qu’ils se complètent harmonieusement, car les deux hommes ne se quitteront plus. Plus tard, sans pourtant s’être consultés, ils se retrouveront tous deux dans la Résistance. Pétré à la tête de l’Armée Secrète et Simon à la tête des Francs-Tireurs et Partisans, chacun suivant sa vocation pour la cause commune.

Après la Libération, devenus officiers supérieurs, ils siègeront à l’Etat-Major de la Région, et seule la mort les séparera.

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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 20:43

Troisième partie : La guerre de 1939-1945

 

I.- Le capitaine (1939-1940)

 

La mobilisation de 1939 conduisit le capitaine Pétré au IIe bataillon du 141e RIA où il devait rester jusqu’à l’armistice et à la démobilisation de juillet 1940. Les alpins du IIe bataillon l’ont connu d’abord, dans le brouhaha de la mobilisation, au poste de capitaine adjudant major qu’il tenait auprès du commandant de Bruyer, au lycée de jeunes filles de la rue Thomas. C’est là que sa silhouette élégante, encore vêtue du bleu marine des chasseurs, a commencé à leur être familière, et que sa bonne humeur et son sourire ont commencé à les aider.

Après la marche mémorable de La Bocca à Châteauneuf-de-Grasse (Alpes-Maritimes), le jour même de la déclaration de guerre, il est resté adjudant major pendant les six semaines du séjour sur le «théâtre d’opérations sud-est», comme on le nommait un peu pompeusement, pendant ces temps où le Ie bataillon a pris forme. Au moment du premier départ pour le front, il prenait le commandement de la 6e compagnie, à la place du capitaine Laurent, avec les lieutenants Lavaux, Galy et Sauer, et tous les gradés et hommes pour qui il devint alors, de façon définitive, «le Capitaine».

Après les jours lugubres de Bourcheid, où l’on prend contact avec le froid, la boue, la pluie et bientôt la neige, il commande lors du baptême du feu cette longue marche nocturne de Rorbach (Moselle), par Gros Rederching, le PC du régiment, l’immense ferme de Moronville, PC du bataillon, vers «le front». Deux sections en ligne, deux aux avant-postes, aux deux extrémités du bois sinistre de Mittebruck. Le capitaine lui-même a son PC dans une minuscule et amusante roulotte de berger, qu’il a logée dans une petite haie. Il ne s’y calfeutre d’ailleurs pas ; il y reçoit tous ceux qui passent avec sa gaîté que n’atteignent ni les orages, ni les bombardements. Et il en sort quotidiennement, notamment pour visiter les avant-postes, où sa venue attendue est un réconfort pour tous. Ce séjour s’achève douloureusement par la mort du lieutenant Lavaux, victime de son courage, lors du bombardement du 21 novembre. Après un bref repos à Binig, on remonte en ligne au Bliesbruck, avant le vrai repos mérité.

Quand il était en ligne dans les Basses Vosges, et quand, par amusement, plus que pour tromper l’ennemi, chaque officier et chef de poste reçut un surnom comme indicatif téléphonique, le capitaine Pétré devint «Le rossignol»… Ce surnom était mérité par sa belle et chaude voix, par son inépuisable répertoire de chansons et chansonnettes, par l’entrain qui le poussait si souvent à chanter sur les routes ou en cercle plus restreint. Il était aussi compositeur… et c’est ainsi que, sur un air de rengaine, il improvisa, entre Châteauneuf-de-Grasse et le Blierbruck, le couplet suivant où les anciens du bataillon reconnaîtront quelques souvenirs :

 

Le Capitaine en campagne

 

Il était une fois un Commandant,

Qui, parmi d’autres titres brillants,

Préférait entre mille

C’lui d’baron d’Moronville !…

 

Mais il arriva aussi qu’un de ses lieutenants lui fournit un jour la réplique d’une façon spirituelle avec le couplet suivant :

 

Il était une fois un Capitaine,

Qui partit au front sans trop de peine,

Car, s’il quitta les Postes,

Il prit les avant-postes !…

 

Après les fêtes de Noël passées au charmant village de Garrebourg, au-dessus de la trouée de Saverne, c’est ensuite le départ pour le «grand repos». Tandis que le régiment a son centre à Anizy-le-Château (Aisne) et le bataillon de Lizy, la 6 partage avec la 5 le cantonnement de Merlieux et Fouquerolles. Le capitaine… fait ce qu’il peut pour sa compagnie qui se morfond dans une ferme isolée, se distrait comme elle peut en braconnant, se chauffe comme elle peut, en pillant le bois voisin !

Avril le conduit en Alsace, dans les Basses-Vosges : c’est le printemps de la «drôle de guerre». La compagnie place des kilomètres et des tonnes de barbelés, elle occupe un avant-poste isolé dans la forêt, tout près des Allemands qu’on entend parfois chanter durant leurs travaux semblables. Le capitaine, maintenant flanqué d’un lieutenant polonais en stage, reprend la coutume des visites quotidiennes, jusqu’au jour où il vient annoncer que l’on part pour la Norvège par la Bretagne.

Landivisiau, Plounerventer (Finistère), jours calmes et ensoleillés… et le 16 mai voit l’embarquement à Landernau. Le capitaine et sa compagnie, comme tout le régiment, allaient commencer la vraie guerre. Mais les mois vécus ensemble n’avaient pas été perdus. Ils avaient forgé l’unité de la compagnie, consolidée par son attachement unanime à son capitaine. Mais les événements se précipitent et c’est le retour sur le front de la Somme.

 

Commandant de Buyer 1940

Au 141e RIA, avec le commandant de Buyer qui sera tué en juin 1940.

 

Ham… le nom de cette petite ville de la Somme, ignorée de beaucoup auparavant, est maintenant le souvenir central de «cette guerre». Tandis que ses sections sont lancées dans le brouillard, le long du canal, il passe deux jours dans un petit moulin au bord de l’eau, dans une apparente insouciance. Quand le front se précise, il s’installe dans cette petite villa du Vert Galant, d’où il dirige son secteur. A ce PC, il a communiqué sa note personnelle : toujours ornée de fleurs et remplie de bonne bouteilles judicieusement choisies et dont chaque visiteur, gradé ou non, reçoit sa part. C’est de là que partent les fameuses patrouilles dirigées par le lieutenant Ramel, de là qu’est soutenu ­–grâce en particulier à l’emploi intensif du mortier de 60– le secteur le plus agité, commandé par le lieutenant Sauer ; de là que part la contre-attaque victorieuse du 24 mai en direction du pont de chemin de fer, qui donne les premiers prisonniers.

Notre capitaine en rapporte la citation suivante : «Capitaine au courage tranquille et souriant. Véritable entraîneur d’hommes. Sous un feu violent qui ne cessait de décimer sa compagnie, il saisit le fusil-mitrailleur d’un tireur blessé, et se lance à l’assaut, suivi aussitôt par tous ses soldats, de telle sorte que la position allemande est conquise en quelques minutes».

Le capitaine est toujours sur la brèche; il dirige lui-même les patrouilles exécutées dans les usines et maisonnettes voisines, à la recherche de l’énigmatique «salopard» à qui  l’on attribue avec conviction l’origine des balles qui sifflent sporadiquement aux oreilles. Il continue surtout à maintenir une atmosphère entraînante d’optimisme, de courage et de gaité, de plus en plus précieuse et malaisée à entretenir à mesure que grandit la fatigue et que les nouvelles inquiétantes parviennent jusqu’au front.

Après de brèves heures de transit par Broucy (Somme), c’est de nouveau le canal surveillé à Sommette-Eaucourt (Aisne). La relève tant attendue conduit la 6 à Golancourt où elle espère enfin passer en deuxième ligne, mais d’où le 5 juin commençait la retraite.

Celle-ci débute aux premières heures du 7 juin des abords même de Ham où la compagnie a été appelée au secours du régiment voisin. Le capitaine, malgré une très forte contusion de la jambe, dirige la marche vers Rozavoine, où la compagnie passe la journée en ligne, en surveillant avec inquiétude la lisière toute voisine des bois qu’occupent déjà les Allemands que signalent les détonations et les fusées. Ce sont ensuite les étapes d’une marche harassante, presque toujours nocturne. La première à travers les flammes de Lagny; la nuit de Crépy-en-Valois où l’on frôle la catastrophe, et où la compagnie, capitaine en tête, armes prêtes à faire feu, contourne de près le village occupé par l’ennemi; le Bois du Roi où la mort du commandant de Buyer lui enlève pour une nuit son capitaine qu’elle est si heureuse de retrouver le lendemain matin ; la terrible étape de la Marne et la suivante à peine moins épuisante ; les journées de Sully-sur-Loire, où après un bref sursaut, l’espoir s’effondre à l’annonce de la demande d’armistice ; les dernières étapes dans l’épuisement, où la compagnie reste cependant groupée, marchant toujours en ordre et en bloc, prenant toujours position sur chaque rivière. Dans ces jours difficiles, elle a trouvé son chef toujours égal à lui-même, encore maître de lui, dans les moments les plus démoralisants et les plus catastrophiques, maintenant, non par des discours, mais par sa simple attitude, cette atmosphère de courage et de confiance qui était sa meilleure récompense.

 

II.- Le président de l’amicale

 

Pétré, en 39-40, avait été le capitaine de la 6. Son dynamisme et son entrain avaient répandu son renom dans tout le deuxième bataillon. Dès l’automne 40, il devenait pour tous les anciens du régiment le président de l’Amicale des anciens du 141e RIA.

Le colonel Granier le choisissait pour ce poste de confiance, comme le plus apte à regrouper tous les anciens, de par la sympathie qu’il inspirait à tous, bien au-delà des limites de son unité, et pour le dévouement qu’il était prêt à donner à cette tâche. De ce fait, la journée inaugurale, commencée par la messe, où l’Eglise des Réformés était remplie, continuée par l’inauguration de la rue du 141e qui devait être paradoxalement victime de la Libération, a laissé le souvenir d’un véritable triomphe.

Dans les mois qui suivirent, les Marseillais qui venaient chaque dimanche à l’Amicale, avaient plaisir à le voir si souvent au milieu d’eux. Les «étrangers» de passage à Marseille savaient qu’ils seraient toujours bien accueillis à l’appartement de la «rue Puget». Les camarades en difficulté savaient qu’ils ne faisaient jamais appel en vain à son cœur, et qu’il ne ménageait ni sa peine, ni son temps, ni même ses deniers pour secourir ceux qui en avaient besoin. Et les membres successifs du bureau de l’amicale savaient qu’ils possédaient en lui le président rêvé, celui qui ne se contente pas de présider, mais qui est l’âme vivante d’un vaste corps. On savait bien qu’il n’était pas simplement le rédacteur en chef, mais le rédacteur presque unique de l’Alpin. Il n’était écrit nulle part, mais il était évident aux yeux de tous qu’il était le président à vie.

 

 

200 Jean Pétré et Blum

Jean Pétré et M. Blum qui mourra au camp de Buchewald, se rendent au siège de l'amicale du 141e RIA.

 

L’atmosphère de l’amicale n’a jamais été défaitiste. Dès le printemps 1941, plusieurs parmi nous, notamment ses trois lieutenants, savaient que l’amicale n’était pas seulement une amicale, mais qu’elle était aussi une façade commode pour camoufler un bataillon clandestin, destiné à renforcer le 43e RI cantonné à Marseille tant qu’il y eut une zone libre. A partir de l’occupation totale, beaucoup d’autres, devant la menace du TO, se sont spontanément tournés vers lui comme vers le chef naturel en qui ils pouvaient avoir une confiance totale. Ils l’ont suivi dans les voies de la Résistance jusqu’en ce jour de juillet 1943 où la Gestapo devait mettre une fin, heureusement temporaire, à ses activités.

 

III.- Le résistant et le déporté

 

La résistance de Jean Pétré s’est étendue bien au-delà des limites de l’Amicale du 141e RIA. Avec son meilleur ami, le colonel Simon (actuellement commandeur de la Légion d’Honneur et Compagnon de la Libération), il organise la Résistance dans le Sud-Est. Dès 1942, il fonde les premiers maquis des Alpes. Les liaisons sont assurées par son neveu, le lieutenant Pierre Duny-Pétré, récemment évadé d’Allemagne, entre les combattants clandestins et l’état-major de l’Armée Secrète à Marseille.

Grâce à quelques parachutages d’armes assez fructueux quoique trop rares, les troupes d’occupation italiennes et allemandes sont bientôt tenues en échec et se voient interdire l’accès des massifs montagneux. C’est au cours de ces combats que le capitaine Pétré est nommé successivement chef de bataillon, puis lieutenant-colonel.

Au début de juillet 1943, la Gestapo de Marseille prépare une opération de police afin d’investir le siège de l’amicale du 141e RIA, rue Frédéric Chevillon. C’est ainsi qu’elle capture par surprise plusieurs «suspects», dont Jean Pétré, dont elle ne connaît heureusement ni le rôle exact, ni l’envergure.

 

Ernest Dunker dit Delage

Photo anthropométrique d'Ernest Dunker-Delage qui arrêta à Marseille puis tortura le colonel Pétré. Il est l'auteur du fameux rapport Flora sur la Résistance (voir plus loin). Condamné à mort le 24 février 1947 par le tribunal militaire de Marseille, Dunker-Delage fut exécuté le 6 juin 1950. Le procès-verbal de son interrogatoire par le colonel Pétré après la Libération, figure dans ce blog, dossier "Crimes de guerre ennemis, documents d'enquête".  

 

Après plusieurs jours de tortures, passés à la prison Saint-Pierre ainsi qu’au tristement célèbre n° 425 de la rue Paradis, le colonel Pétré qui n’a pas desserré les dents, est envoyé à la maison d’arrêt de Fresnes pour y être jugé et condamné à mort. Par miracle, il est bientôt «recruté» afin d’aller grossir un contingent de déportés que l’on achemine vers le camp de Buchenwald. Cela le sauve du poteau d’exécution.

Les camps de la mort n’ont pas raison de son éternel optimisme. Malgré l’épuisement physique, il devient célèbre par sa façon de «remonter» le moral de ses camarades désespérés. Mais près de deux ans s’écoulent ainsi, tandis que la guerre continue. En avril 1945, une patrouille motorisée américaine s’aventure jusqu’aux abords du camp de concentration, jetant l’affolement parmi les Allemands. Le colonel Pétré, toujours à la tête de ses hommes, véritables fantômes décharnés, se lance inopinément sur les sentinelles du camp, s’empare des armes et ouvre un passage aux troupes alliées.

 

FIL DE FER BARBELÉ BUCHENWALD 2 crop

Fil de fer barbelé du camp de Buchewald.

 

C’est alors la Libération. Le colonel Pétré organise aussitôt le rapatriement de ses camarades les plus affaiblis. Le typhus, hélas, en fauche des centaines par semaine. Il est le dernier de son camp à rentrer en France. Il pèse 46 kilos.

 

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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 20:42

Quatrième partie : La Libération et l’après-guerre

 

I.- Le retour à Marseille

 

Cependant, L’Amicale des anciens du 141e RIA vivait toujours, pensant à lui avec une affection mêlée d’inquiétude, jusqu’au jour où la presse nous apprit sa libération. On devine l’accueil qui lui est fait lors de son arrivée à Marseille où la légende s’était déjà emparée de lui. Il est de toutes les réunions, de tous les congrès, de toutes les présidences d’anciens combattants, d’anciens maquisards, d’anciens déportés. Entre-temps, on le charge même de diriger la recherche de crimes de guerre dans la région du Sud-Est.

 

Massalia 1

      La une du journal Massalia du 28 avril 1945 annonçant le retour à Marseille de Jean Pétré.

 

Pour ceux qui l’ont revu, combien amaigri mais toujours aussi vivant, dans ses retrouvailles qui furent un triomphe chaleureux et mérité, il est redevenu… le Président, comme si rien ne s’était produit, ou plutôt environné d’une auréole nouvelle. Les crimes de guerre ne l’ont occupé qu’un temps. Le colonel Pétré reprit ses activités culturelles et journalistiques avec l'enthousiasme qui le caractérisait: "Je vivais dans l'immortalité désinvolte du revenant..." aurait-il pu dire (1).

Au fil des ans, les présidences et vice-présidences, 17 si nos souvenirs sont exacts, se sont progressivement raréfiés, car il n’était pas homme à les poursuivre, ni encore moins à s’y accrocher. Il atteignait la retraite sur le plan professionnel, il restait le président de l’amicale, aimé et respecté. Si sa présence à Marseille diminuait au profit du Pays Basque, si l’amicale inévitablement avec les années, faisait moins de bruit et de volume, elle vivait toujours avec lui, et on peut le dire, en grande partie de lui. C’est dire ce qu’elle a perdu avec sa disparition et aussi combien elle est heureuse de pouvoir lui rendre cet hommage.

 

Président de la République Auriol

 

Président de la République Auriol 2

 

Pétré Auriol La Marseillaise

Le 21 septembre 1947, le Président de la République Vincent Auriol remet au colonel Pétré le drapeau de la Fédération des Bouches-du-Rhône des Internées et résistants patriotes (journal La Marseillaise du 22 septembre 1947).

 

II.- L ‘appel de la terre natale

 

Comme la plupart des Basques, Jean Pétré ressent de plus en plus nettement l’emprise de son pays d’origine, à mesure qu’il avance en âge. Certes, il se plaît bien à Marseille, entouré de la chaude sympathie de ses nombreux amis. Mais, en vue de sa retraite prochaine, il rêve d’organiser sa vie de telle sorte qu’il passera l’été au Pays Basque et l’hiver à Marseille.

Il est profondément impressionné par l’attitude de ses deux sœurs qui se sont retirées définitivement à Saint-Jean-Pied-de-Port. Ses séjours dans cette localité se font de plus en plus fréquents. Il faut avoir vu sa joie et son émotion chaque fois qu’il retrouve sa vieille rue d’Espagne. Il faut l’avoir entendu prononcer alors, en langue basque, une des phrases favorites de son père, et qui prend aujourd’hui l’aspect d’une devise : «Hemen ahatik, denek badakite nundik atheratzen giren !» Ici au moins, ils savent tous d’où nous sortons !

Enfin, lui le célibataire endurci, aspire à une vie familiale. Son neveu et fils adoptif a épousé une jeune basquaise. Quelques années plus tard, on s’aperçoit que notre colonel collectionne avec amour, les premières lettres enfantines de son filleul Arnaud Jean Duny-Pétré.

Ceux qui l’ont fréquenté pendant les dernières années de sa vie ont pu assister à la troublante métamorphose d’un homme qui sentait confusément en lui une poussée irrésistible vers la maison ancestrale. C’est que cette ultime transformation arrive après une impressionnante série de personnalités, toutes bien marquées, qui se sont succédé en lui pendant sa vie, et dont voici brièvement les principales.

L’enfant du Pays Basque, au regard fier, qui délaisse hardiment sa gangue de paysan ; le dilettante, assoiffé d’art et de culture littéraire, de telle sorte qu’il est à la fois postier et écrivain ; le capitaine que révèle la mobilisation et la campagne de 1940 ; le résistant, luttant dans l’ombre de la clandestinité, avec une foi inébranlable dans la victoire ; le déporté, patriote et martyr, épuisé physiquement, mais toujours invaincu ; le colonel abondamment décoré, élégant et distingué, président de l’amicale du 141e RIA ; enfin le Basque sexagénaire, un peu las, qui a ressenti l’appel tardif mais impérieux de son pays natal.

 

Commandeur de la Légion d'honneur

Marseille le 14 juillet 1957, le général Grossin remet au colonel Jean Pétré la cravate de Commandeur de la légion d'honneur.


Ainsi le circuit se referme. Vers la fin de sa vie, sans pourtant se douter que sa mort approche, Jean Pétré recherche de plus en plus la solitude tranquille de ses montagnes navarraises. Il projetait de se retirer dans une ferme, à la campagne, parmi les paysans et les troupeaux. Il se rendait tous les ans sur la tombe de ses ancêtres, dans le petit village de Çaro. Il voulait faire transformer la tombe familiale de Saint-Jean, afin de lui donner l’aspect d’une vraie tombe basque. Les croquis et les plans étaient déjà prêts.

Mais il était trop tard. Le colonel Pétré est mort avant d’avoir pu redevenir aux yeux de tous, le Basque qu’il avait cependant toujours été dans le plus profond de lui-même. Son pays natal l’a repris et enseveli.

Son activité débordante devait avoir raison de sa santé. Malgré une apparence très jeune, il ressentait intérieurement des malaises de mauvais augure, mais il était habitué à en rire. «Il plaisantait même quand il était en train de crever à Buchenwald !», disaient de lui ses compagnons enthousiasmés. Mais on ne plaisante pas impunément avec sa santé. Terrassé par une congestion cérébrale, le colonel Pétré s’est éteint chez lui, le 7 avril 1959, dans l’antique maison basque où il avait vu le jour, à Saint-Jean-Pied-de-Port.

Personne ne l’aura vu vieillir. Suprême coquetterie ?… Il est probable qu’un tel homme n’aurait jamais pu supporter, sans souffrir atrocement, le spectacle de sa propre décrépitude. C’est d’ailleurs ce que laisse entrevoir l’épitaphe suivante, écrite en langue basque, peu après son décès :

 

Hemen datza,                                                Ici repose

Orai hotza,                                                     Maintenant froid,

Lehen gaitza,                                                 Grand autrefois

Pétré koronelaren bihotza.                            Le cœur du colonel Pétré

 

Hun gerlari,                                                    Bon guerrier

Maitagarri,                                                     Digne d’être aimé

Hil gaztegi :                                                    Mort trop jeune :

Zahartusanik etzien nahi.                              La vieillesse ne lui convenait pas.

 

                                                           Piarres Hegitoa, 1959/4/20

 

III.- La mort et les obsèques

 

Le colonel Pétré se trouvait dans sa famille, dans sa vieille maison familiale qui l’avait vu naître, rue d’Espagne à Saint-Jean-Pied-de-Port, quand il est mort, victime d’une tension artérielle trop longtemps négligée, le 7 avril 1959.

«Soudain, a écrit Monseigneur Gouyon, il a été pris d’une congestion cérébrale, suivie d’une paralysie progressive de la partie gauche, puis de la partie droite du corps. Il est tombé rapidement dans le coma. Il semble avoir beaucoup souffert et s’être débattu violemment contre la mort. Quand je suis allé le voir, avant la mise en bière, son visage était ravagé par la douleur, mais calme».

Les obsèques ont eu lieu le 10 avril. Les journaux Sud-Ouest, Basque-Eclair, La France, les ont relatés en ces termes dont voici des extraits.

«Après la cérémonie religieuse, nous avons remarqué dans le cortège qui conduisait la dépouille mortelle du Colonel Pétré jusqu’au caveau familial, outre de très nombreux amis du défunt et des familles en deuil, les représentants de la municipalité Saint-Jeannaise, les drapeaux de la Résistance PTT de Marseille, Résistance PTT de Paris, de l’UNADIF (Union nationale des associations de déportés, internés et familles de disparus) et de la FNDIRP des Basses-Pyrénées (Fédération nationale des déportés, internés, résistants, et patriotes), des Anciens combattants 1914-1918 et 1939-1945 de Saint-Jean-Pied-de-Port.

Le colonel Simon de Marseille, Commandeur de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération, portait sur un coussin les décorations de son ami. Nous avons noté également la présence du professeur Balansard, de la Faculté de médecine de Marseille ; de Me Giocanti, avocat au barreau de Marseille ; de M. Jourdan, Directeur des PTT de Paris; de M. Louis Sagardoy, industriel à Marseille ; de M. Violette, secrétaire général de résistance PTT de Paris, détaché au ministère ; de M. le directeur régional des PTT; de MM. Cabillon et Fouladoux, de l’UNADIF ; de MM. Pucheu, Arana et Rivière, de la FNDRIRP des Basses-Pyrénées ; des représentants du commissariat de police de Dax et diverses délégations de Marseille, Bordeaux et Paris.

Au cimetière, M. Jourdan, Président national de Résistance PTT a, en quelques mots, exalté la personnalité si attachante du disparu, les vertus qu’il incarnait, et lui adressa l’émouvant adieu de tous ses compagnons.

Le Pays Basque peut s’enorgueillir d’avoir produit un homme de cette valeur, dont le courage égalait la modestie et la grandeur d’âme».

 

Obsèques Sud Ouest

Compte-rendu dans le quotidien Sud-Ouest du 17 avril 1959.

 

Allocution de Mgr Gouyon

Monseigneur Gouyon, après avoir donné l’absoute, a prononcé l’allocution suivante, où nous retrouvons l’amitié si chaude qui entourait, au IIe bataillon, celui qui était alors le «capitaine» Pétré.

« Mes bien chers frères,

Notre condition de chrétiens nous invite à contempler les réalités spirituelles et à nous consoler par l'espérance du jour où il nous sera donné de nous retrouver dans le partage des mêmes récompenses divines : elle n’abolit pas ces sentiments d’attachement et d’affection qui nous unissent sur la terre. Demeurent légitimes les regrets, les tristesses, les larmes. Devant le tombeau de son ami, Lazare, Jésus Lui-Même n’a pas craint de pleurer.

C’est la mort d’un ami auquel m’unissaient et unissaient quelques-uns des membres de cette assistance, les plus tragiques comme les plus exaltants souvenirs, qui m’amène aujourd’hui parmi vous, alors que je pensais venir en de toutes autres circonstances et reconnaître au premier rang de ceux qui m’accueilleraient, ce compagnon très cher que fut pour moi le colonel Jean Pétré, Commandeur de la Légion d’honneur.

Pour ce pays qu’il avait quitté très jeune, il était devenu un inconnu. Mais si l’homme se révèle dans les conjonctures exceptionnelles, nous qui avons vécu les heures angoissées de la guerre 1939-1940 dans ce qu’elles eurent de plus dramatiques, nous pouvons porter témoignage.

Ce témoignage sera d’abord celui d’un inégalable courage. Face à un ennemi auquel son nombre et son armement conféraient une supériorité écrasante, nous l’avons vu résister avec une obstination et une force d’âme qui rendaient son exemple contagieux. Lucide au milieu du combat, il était le point d’appui inébranlable autour duquel les unités voisines se regroupaient et conservaient leurs positions. Aussi bien, lorsque commença la longue retraite de juin 1940, put-il maintenir intacte sa compagnie et la mettre en ligne chaque soir, pour remplir les missions de sacrifices qui lui étaient demandées.

Aux jours sombres de l’armistice, il garda sa foi dans les destinées de la patrie, et dès le premier jour, il se manifesta comme un partisan de la Résistance dont il devait devenir un des héros. Très vite, nous recevions de lui les lettres les plus audacieuses. Et sur l’ordre de ses chefs, il réorganisait dans la clandestinité ce régiment si cher à son cœur et dont il voulait faire un instrument de victorieuses conquêtes.

 

 

Affiche contre graffiti à Marseille

Affiche du préfet de Marseille contre les inscriptions et graffitis réalisés par la Résistance.

 

L’ennemi ne pouvait pas ne pas découvrir des activités si multiples et si dangereuses pour sa sécurité. Ce fut l’arrestation, la torture affreuse, sous laquelle cependant, il eut assez de force pour ne livrer aucun de ses amis, et la longue déportation au camp de concentration. Sa force d’âme unique lui permit de surmonter cette terrible épreuve. Il revint pour participer à ce triomphe dont il avait été un des plus généreux artisans.

Sa physionomie respirait la sympathie. Son dévouement, son désir de rendre service, qui lui avaient valu d’être adoré de ses hommes dont il partageait sans cesse fatigues et dangers, le désignaient pour faire se retrouver dans une association florissante les anciens de notre 141e d’Infanterie alpine. Il fut donc le fondateur et le président très aimé de notre amicale.

Le mois dernier paraissait encore un numéro du bulletin qui maintient la liaison entre nous. En le feuilletant, je retrouvais des noms connus et je sentais comme il était pour tous le lien et le symbole de l’amitié. Il prenait sa part de tous nos deuils comme de toutes nos joies. Lors de mon sacre, il était à la tête d’une délégation de camarades qui avaient voulu m’apporter le réconfort très doux d’une affectueuse présence. Il y venait lui, d’autant plus spontanément qu’avec discrétion et efficacité, il avait jadis aidé mes efforts d’aumônier du bataillon, ne manquant jamais de se trouver au premier rang de ceux qui, par leur participation à nos offices improvisés, tenaient à donner le témoignage d’une foi toujours vivante.

Mon arrivée dans ce diocèse lui avait été une joie. Il me l’avait exprimée à maintes reprises et il écrivait encore à nos camarades le plaisir qu’il avait à évoquer leur souvenir dans de longues conversations avec celui qu’il appelait gentiment «son» évêque.

Mon cher Pétré, ce qui était en effet notre joie commune devient pour moi aujourd’hui un douloureux privilège. Vous ne doutez pas que la peine me soit unanimement partagée. Mais ce devoir de fidélité que vous n’avez pas cessé de nous rappeler trouvera en nous des hommes prêts à l’accomplir. L’Eglise au nom de laquelle je viens de recevoir votre dépouille, est l’école du souvenir. Elle n’oublie jamais ses enfants. La prière qui va monter pour vous vers le ciel dans un instant, elle n’est que le commencement de cette longue imploration qui unira dans son élan les noms toujours aimés de nos camarades disparus.

La mort qui vous a frappé à l’improviste sans vous permettre, comme à la guerre, de rassembler vos forces pour engager le combat, est le rappel de notre condition et le signe que les immenses désirs qui animent nos cœurs appellent une autre patrie. Que Dieu vous donne son repos et, avec la grâce de sa miséricorde infinie, toutes les ombres de ce monde s’étant dissipées, la joie de le reconnaître, Lui le principe de toute générosité, de toute fidélité, de tout véritable amour ».

 

(1) Tiré de "L'écriture ou la vie", écrit par un autre revenant de Buchenwald, Jorge Semprun. 

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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 20:41

Cinquième partie : L’hommage de Marseille

 

I.- Cérémonies religieuses du 19 avril 1959 et du 26 mai 1959

 

Dès la semaine suivante, le 19 avril, l’amicale a fait célébrer une messe à la mémoire et à l’intention de son président. La messe, célébrée par l’abbé Galy, ancien lieutenant et ami du capitaine, a groupé un grand nombre d’anciens, dont certains étaient venus de bien loin, et n’avaient plus paru depuis de longues années ; mais ils avaient tenu à s’associer à ce dernier hommage. D’autres, nombreux également, s’étaient excusés, en particulier le général Granier : «Je ne pourrai hélas, être là, mais je serai avec vous par le cœur et par l’esprit. J’avais pour Pétré une très vive affection. Il avait été un remarquable commandant de compagnie. Il avait été l’animateur de notre belle amicale et il était resté pour moi un ami, tant dans la vie courante qu’à la période sombre de l’occupation. Je lui avais voué cette affection pour son activité dans la Résistance, et surtout pour son grand cœur. Dites à tous les camarades du 141e combien je partage leur peine et combien je ressens cette perte comme irréparable pour l’amicale».

De même le général Duchemein, l’ancien chef de notre 3e division légère d’infanterie : «Je regrette de ne pouvoir m’associer au suprême hommage rendu aujourd’hui à celui qui a si bien servi le régiment et notre patrie. Soyez sûr que je suis de cœur avec vous. Bien tristement et fidèlement votre…».

 

Evocation de l’abbé Galy

L’abbé Galy évoqua la figure de son ancien capitaine en ces termes : «Les uns parmi nous dont je suis, ont connu le capitaine Pétré comme commandant de compagnie; d’autres, plus nombreux, l’ont eu comme président de l’amicale du Régiment; pour certains, ce fut le chef de la Résistance. Mais il ne comptait parmi nous que des amis. Il n’est pas question en ce moment, de raconter sa vie ou d’évoquer des souvenirs personnels, mais plutôt de marquer les traits les plus marquants de sa riche personnalité.

C’était d’abord sa gaité qui frappait, le sourire toujours prêt à animer ses lèvres, ses bonnes histoires, et plus encore cette façon joyeuse d’affronter la vie, malgré ses difficultés. Gaîté qui était sans doute un trait de caractère natif, mais qui supposait aussi beaucoup de courage caché.

Ensuite le sens du devoir : ceux qui l’ont secondé de près ont toujours été frappés de le voir, malgré un esprit critique acéré, toujours intégralement fidèle aux missions reçues. Il avait le sentiment très vif de ses obligations d’officier en temps de guerre. Il n’hésitait jamais devant un ordre, même difficile.

Egalement son patriotisme: sa vie antérieure avait pu sembler être un peu celle d’un dilettante. La guerre et la Résistance ont éveillé le patriote, ont révélé l’homme de valeur, ont développé ce qu’il y avait en lui de meilleur. Et c’est l’image d’une grande figure qu’il nous laisse.

Enfin la bonté était l’un de ses traits les plus beaux et les plus attachants : bonté toute spontanée, exempte de tout calcul. Il ne pouvait voir un camarade dans l’ennui sans chercher, de  façon vive et rapide, le moyen de l’aider. S’il aimait l’amicale, ce n’était assurément pas pour la gloriole d’une présidence, mais parce qu’il y trouvait ce moyen d’être utile à beaucoup. Je lui disais parfois amicalement qu’un célibataire comme lui avait trouvé là sa façon de «servir». Il me répondait alors que l’affection dont il se sentait entouré était la meilleure de ses récompenses. Les rares moments où on le trouvait ennuyé étaient ceux où il lui fallait peiner quelqu’un.

Jean Pétré fondateur du PSU à Marseille

Jean Pétré assis au centre, membre fondateur du PSU (Parti socialiste unitaire) à Marseille.

Il s'agit du premier PSU, créé en septembre 1948, à partir du MSU (Mouvement socialiste unitaire) qui est né début 1948 avec des éléments venus de la Bataille socialiste, de la Revue internationale et de la CGT. Ce premier PSU compte environ 2800 membres, notamment des cheminots et des postiers (information de Jean-Claude Gillet, professeur honoraire des universités).

 

 

En un sens, l’amicale, en le perdant, fait une perte irréparable. Il était notre président à vie, presque notre fondateur, toujours notre animateur. Cela ne signifie pas que son décès doive entraîner la disparition de l’amicale. Il me semble au contraire qu’il doit provoquer un sursaut ; nous faire prendre conscience de ce qui nous lie profondément malgré nos différences et surtout malgré les années qui nous séparent de notre passé commun, malgré la vie qui, inévitablement nous disperse ; faire survivre notre amicale, faire qu’elle continue à être une fraternité et un appui pour ceux qui font appel à elle, il me semble que c’est le meilleur hommage que nous puissions rendre à notre cher Pétré, la meilleure manière de lui témoigner encore notre reconnaissance».

Une deuxième cérémonie religieuse eut lieu au 11 de la rue Albert-Chabanon à la petite chapelle de la procure des Missions de France, elle fut célébrée par M. l’abbé Cognac de la 9e Région militaire.

 

II.- Cérémonies du 26 mai 1959 à Marseille

 

La première manifestation réunissait les compagnons postiers de Jean Pétré, devant la plaque commémorative de la poste Colbert, cérémonie toute simple dans sa dignité, qui témoignait de l’amitié que lui portaient ses chefs et ses camarades.

Le soir, au Fort Saint-Nicolas, une cérémonie commune groupa les amis du colonel Pétré, ses camarades de la Résistance PTT et l’amicale régimentaire du 141e RIA.

 

Allocution du colonel Simon  

Divers orateurs prirent successivement la parole. D’abord, le colonel Simon : «Mesdames, Messieurs, mes chers amis, nous vous remercions tous d’être venus si nombreux à cette cérémonie toute intime dont le seul but est de rendre hommage à l’un des nôtres, qui vient de disparaître. Jean Pétré vient de s’éteindre dans son pays natal, dans ce Pays Basque qu’il aimait tant. Mais il a tellement œuvré à Marseille, qu’il y avait acquis le droit de cité, et il aurait été impensable que nous ne nous réunissions pas pour évoquer la mémoire de cet homme qui fut tant estimé et tant aimé.

Spontanément, un comité s’est formé dans le plus parfait esprit d’union. Je remercie du fond du cœur tous ceux qui lui ont apporté leur concours et je pense que cette réunion aidera à perpétuer son souvenir. J’adresse nos remerciements à sa soeur, Mme Clément Haritschelhar et à son mari qui ont tenu à être des nôtres. Je remercie également Monsieur le maire de Marseille qui a bien voulu nous autoriser à nous réunir en ce haut lieu du souvenir.

 

204 Colonel Simon avant 1939

Le colonel Henry Simon, avant 1939.

 

Je voudrai vous retracer très brièvement une vie que je considère comme exemplaire. Il passa son enfance choyé par les siens dans ce Pays Basque qui le marqua si profondément. La vie toute de labeur de cette contrée semi-montagnarde, lui donna très rapidement le sens de la vie. Les paysages au relief si harmonieux, envahi par une verdure sévère, lui donnèrent cet immense amour de la vie qui ne le quitta jamais. «La vie est belle», disait-il souvent et il le pensait profondément.

Vint l’adolescence après de studieuses études. Par la force des choses, il avait 18 ans en 1914, il dut se faire rapidement une situation, ce fut l’administration des PTT qu’il choisit. Cette situation ne correspondait peut-être pas à ses aspirations profondes, néanmoins, homme de devoir, il servit scrupuleusement toute sa vie et il y fit une carrière.

La guerre de 1914-1918 terminée, il revint à son administration : son désir d’évasion, de savoir, de connaître, le poussa à une fonction active et c’est comme «ambulant» qu’il effectua de lointains voyages qui élargirent ses horizons et développèrent davantage ses connaissances. L’éducation de son neveu et fils adoptif, le fixèrent par la suite à Marseille. Ce fut alors pour lui une période d’une intense activité intellectuelle : journaliste, critique, Jean Duhalde se dépensait sans compter (palmes académiques). Il n’en continuait pas moins son métier avec zèle et obtint la croix du mérite postal. Et en citoyen parfaitement conscient de ses devoirs civiques, il perfectionnait ses connaissances militaires (croix des services militaires volontaires).

La dernière guerre le trouve capitaine au 141e RIA. Il y fit une très brillante campagne (nombreuses citations). L’armistice signée, son patriotisme le pousse dans la Résistance, «Roland»,  ou «Chardon» se place très rapidement parmi les meilleurs dans les premiers rangs : chef régional de l’Armée Secrète pour R. 2 (médaille de la Résistance).

Là encore, son activité soutenue par un civisme intense, fut débordante. Elle finit par attirer l’attention de l’Occupant. Il est arrêté en juillet 1943 au siège de l’amicale des anciens du 141e RIA qu’il avait créée à son retour de la campagne de 1939-40. Puis ce fut le périple douloureux, connu de certains d’entre vous : le 425 de la rue Paradis, Fresnes, Buchenwald. Une longue et dure déportation n’affaiblit en rien son immense force de caractère, son amour de la vie, son espérance. Début 1945, il eut le magnifique courage d’insuffler dans son camp l’esprit de la Résistance. Sous son commandement, ses camarades se libèrent eux-mêmes, et c’est en hommes libres qu’ils firent leur jonction avec l’armée américaine qui progressait en Allemagne.

 

DRAPEAU BUCHENWALD 2 crop

Le drapeau que le "French colonel", Jean Pétré, mit sur sa jeep après l'arrivée de l'armée américaine à Buchenwald.

 

De retour à Marseille, son activité était devenue insatiable, il agissait dans tous les domaines et communiquait à chacun sa confiance dans l’avenir. Animateur de nombreux groupements et combien de fois président, il était toujours au premier rang pour rassembler, lutter, unir. Bien peu ignoraient notre ami, le colonel Pétré, Commandeur de la Légion d’honneur.

Ces derniers mois, il ressentait de plus en plus l’attirance de son pays natal et projetait de s’y retirer. Il en est ainsi pour beaucoup d’hommes d’action, un retour au calme leur permet un large examen de conscience. La mort ne lui a pas permis d’aller jusque là. Une brusque maladie l’a terrassé et l’a emporté lors d’un séjour à Saint-Jean-Pied-de-Port. Sa déportation, les souffrances endurées, en sont directement la cause, car sans s’en douter, il était un mort en sursis.

Je voudrais vous parler brièvement de l’homme, de ses innombrables qualités qui engendraient l’affection chez ses amis, l’estime pour les autres.

Honnêteté, loyauté, bonté, générosité, il était toujours prêt à rendre service, à se dévouer. Sa vive intelligence, son pénétrant jugement, sa grande expérience, en faisaient un homme écouté et suivi. Combien de conseils a-t-il donnés ?… Pour ses intimes, il y avait en plus le charme de son commerce, animé par un esprit particulièrement brillant et cultivé, toute la noblesse et la délicatesse de ses sentiments.

Et tout cela n’est plus, la mort a tout brisé. Partout, je n’ai vu que stupeur à l’annonce de cette brusque disparition, que ce soit ici, avec les lettres si touchantes reçues, ou avec les paroles si émues entendues.

Il nous faut cependant voir plus loin et plus haut. Il ne doit pas être pleuré. Nous ne devons pas vivre sous le coup de sa disparition. Il faut qu’il continue à vivre parmi nous pour développer ses pensées et poursuivre son action. C’était un être de grande classe, il nous lègue une vie sans tache et un acquis substantiel. Nous devons, comme lui, avoir confiance dans l’avenir et être résolument optimistes, n’être qu’espérance et amour, et avant tout rester unis. C’était un de ses désirs les plus chers. Avançons donc tous ensemble dans la voie qu’il a suivie : pour faire un monde meilleur, pour faire des hommes valables.

Ce n’est donc pas un adieu que je vous propose de lui adresser, mais, devant ce monument aux morts qui symbolise sa présence, nous devons lui donner l’assurance que nous l’avons compris et que nous suivrons le même chemin que lui ».

 

Le secrétaire-général Sauer  

Puis le secrétaire général de l’amicale du 141e, notre camarade Sauer.

Mesdames, Messieurs, mes chers camarades, au nom de l’amicale des anciens du 141e RIA et en ma qualité de secrétaire général de cette association qu’il avait créée et dont il était le président, j’ai le douloureux privilège de vous dire aujourd’hui quelle a été la carrière du colonel Jean Pétré pendant la campagne de France 1939-40.

J’ai connu Pétré en 1938, alors que, jeunes officiers de réserve, nous suivions ensemble des cours de perfectionnement. Assidu à toutes les séances et pressentant peut-être le bouleversement mondial qui se préparait et dans lequel il aurait à jouer son rôle, il s’instruisait avec conscience, et il était déjà pour nous un modèle et un exemple. Nous pouvons témoigner, nous ses camarades de combat, qu’il a parfaitement réussi et qu’il a tenu brillamment son rôle d’officier et de chef dans la nation en guerre.

De caractère souvent frondeur, doué d’un esprit critique acéré, il cachait, sous un apparent scepticisme, des sentiments profonds de discipline militaire librement acceptée dans un but final qui était la grandeur de la France dans le respect des libertés individuelles. Ce mélange de bonne humeur, d’apparente légèreté et de sentiments très profonds, faisaient que Pétré n’était pas pour nous, ses subordonnés, un chef dont on exécute les ordres par simple discipline, mais un frère aîné dont on prévient les désirs et les souhaits.

 

 

Hommages Marseille

Conte-rendu dans le quotidien Le Provençal du 27 mai 1959.

 

Au début de la campagne, au moment de la guerre de position, on voyait arriver tous les matins, même dans les avant-postes les plus exposés, le capitaine Pétré, accompagné de son ordonnance, ceinturé de grenades et portant un sac chargé de courrier et de cigarettes. Le capitaine, frais rasé, souriant, comme s’il venait de faire une promenade dans les bois de son pays natal, faisait ce qu’il appelait «sa tournée pastorale». Ce courage souriant, sans forfanterie, sans témérité, nous apportait chaque jour une dose d’optimisme et de réconfort qui était indispensable après les longues nuits de veille.

Il n’a jamais manqué un jour à cette habitude, et c’est là que nous avons compris le chef que nous avions, autour duquel nous avons resserré toutes les forces vives de l’unité. C’est ainsi qu’il a fait de cette 6e compagnie qu’il aimait tant et dont il était si fier, un moyen de combat puissant et discipliné que le chef de bataillon savait parfaitement utiliser aux besognes les plus difficiles.

Ensuite, sont venues les heures sombres de la retraite. Le régiment, engagé tous les jours, la compagnie Pétré avait, plus souvent qu’à son tour, à intervenir dans les missions de sacrifice qui lui étaient réservées, car on savait à l’Etat-major qu’on pouvait compter sur cette unité qui ne faisait qu’un bloc autour de son chef. C’est pendant cette période difficile que les remarquables qualités de Pétré devaient se manifester dans toute leur plénitude. Décidé à tous les sacrifices, il avait convenu que la 6è compagnie ne se rendrait pas, et plusieurs fois, le capitaine en tête de ses hommes, a foncé à travers le rideau ennemi formé sur ses arrières.

Son courage, son obstination à faire son devoir jusqu’au sacrifice final, sa force d’âme, ont eu leur récompense. Pétré est parmi les commandants de compagnie qui ont eu l’honneur de conserver groupés jusqu’au 24 juin 1944 tous leurs hommes, vaincu peut-être par la force écrasante d’un ennemi mieux armé, mais encore prêts à combattre et à préparer la revanche qui devait être éclatante.

Après l’armistice, de retour à Marseille, le capitaine Pétré a commencé son action pour le regroupement de l’unité. C’est à ce moment, qu’en liaison avec le général Granier qui commandait notre 141e pendant la guerre, il a créé l’amicale des anciens du 141e RIA. Sa foi dans les destinées de la patrie lui avait interdit d’abdiquer devant le vainqueur, c’est dans ce but qu’il a mis sur pied, afin de servir cette Résistance dont il allait devenir un des héros, la réorganisation clandestine de l’unité qu’il avait commandé au combat.

 

Propagande pétainiste Marseille

Marseille à l'heure de la propagande officielle pour Pétain, carrefour de la Canebière et du cour Saint-Louis. 

 

On vous dira tout à l’heure quel a été le rôle joué dans la Résistance par le colonel Pétré. En ce qui me concerne, en lui adressant au nom du général Granier, notre ancien colonel, au nom de tous les anciens du 141e RIA, un dernier adieu ému et douloureux. Enfin, je voudrai lui garantir que cette amicale qu’il avait fondée et dont il était l ‘animateur, vivra en souvenir de ce qu’il en avait fait».

 

Allocution du Docteur Crouzet  

Ce fut ensuite le Docteur Crouzet, camarade de Résistance et de déportation, dont le fils, également déporté avec Pétré, mourut au camp de concentration.

Mesdames, Messieurs, amis de la Résistance et de la Déportation, c’est avec une profonde tristesse que nous avons appris la fin prématurée que rien ne pouvait laisser prévoir, de notre ami, le colonel Jean Pétré. Lors de mes longues et douloureuses maladies, il venait chaque jour, souvent deux fois par jour, aux nouvelles. Il passait de longues heures à mon chevet, guidait mes premières sorties. Il était pour moi mieux qu’un frère et c’est avec une profonde émotion que je prends la parole aujourd’hui.

Le colonel Simon vous a parlé de l’homme et de l’ami. Le secrétaire Sauer de l’amicale du 141e vous a dit son action durant la guerre de 1939, son action à l’amicale qu’il a fondée. A mon tour, au nom des Résistants et des Déportés, je vais essayer de faire revivre certains faits de la vie du colonel Jean Pétré, grand Résistant et Déporté !

Au cours de la guerre de 1939, il se lie d’amitié au 141e, régiment d’élite de Marseille, qui, luttant de la Somme à la Loire, reste en formation régimentaire, son colonel Granier en tête, avec mon fils Robert qui devait mourir pour la France à Buchenwald. A leur retour, ils sont prêts à entrer dans la Résistance. Le fils suit le père et il me présente Pétré. Ils travaillent à la formation de l’amicale du 141e qui devient un foyer de Résistance et contribue plus tard à la Libération.

C’est la période héroïque d’organisation et de mise en place. Pétré y consacre toute son intelligence et tous ses efforts. Il s’occupe surtout de l’organisation de l’Armée Secrète. Ses fonctions aux PTT lui permettent d’établir la liaison entre Marseille et Lyon où il entre en contact avec le général Delestraint (Vidal de la Résistance), chef de l’Armée secrète. Les événements se précipitent, c’est l’époque héroïque de la Résistance. Les organisations s’étoffent. L’AS grandit, les journées du 1er mai et du 14 juillet 1942 marquent les progrès accomplis.

 

Tract Combat contre STO

Tract du mouvement Combat contre le STO.

 

Mais cette organisation manque d’unité. En 1943, les mouvements Combat, Franc-Tireur, Libération, s’unissent pour former le MUR, Mouvement Unifié de la Résistance. L’AS se réorganise et le général Delestraint nomme Pétré chef régional de l’AS. Ce dernier s’occupe de la formation des premiers maquis où vont des réfractaires au travail en Allemagne. Il doit me présenter à un représentant du Front National pour parfaire l’unité de la Résistance.

Avant ces faits, une période sombre s’abat sur la Résistance. Aux jours fastes succèdent les jours néfastes. La Gestapo a fait son travail dans l’ombre, la trahison s’est mise dans nos rangs. A Marseille comme à Lyon, comme ailleurs, les arrestations succèdent aux arrestations. La Résistance est pour ainsi dire décapitée. Quelques semaines après mon arrestation, je revois Pétré à la Gestapo, sa silhouette s’encadre dans une fenêtre, nous pouvons à peine échanger quelques mots.

Je le revois à Saint-Pierre au moment de notre départ pour Fresnes. Nous faisons ensemble ce voyage. Notre séjour à Fresnes est sans histoire. Condamnés à mort, nous devons notre salut au fait que Hitler demande d’envoyer tous les détenus en Allemagne pour le travail. C’est le départ pour Compiègne où nous pouvons nous voir, puis le tranfert en Allemagne, enfin à Buchenwald, la séparation. Nous ne devons plus nous revoir qu’après notre retour des camps.

Inutile de dire que pendant cette période, Pétré a toujours montré une rare fermeté de caractère et qu’il a toujours accompli son devoir, tout son devoir. A son retour à Marseille qui précéda le mien, il se donne la lourde et douloureuse mission d’apprendre à ma femme la mort de notre fils Robert. Il continue son action de Résistant au service de la répression des crimes de guerre et réussit notamment à empêcher par une action rapide, l’évasion probable de Dunker Delage, le bourreau de la Résistance.

Avant de finir, qu’il me soit permis d’évoquer la Résistance, notre Résistance ! Certains, examinant à la loupe pour les grossir au microscope, les défaillances de quelques-uns, on a essayé de généraliser et de ternir l’éclat de la Résistance. Nous ne contestons pas ces quelques défaillances qui sont allées même jusqu’à la trahison. Mais que sont ces quelques-uns à côté du très grand nombre ? Une goutte d’eau dans la mer. Mais que sont ces quelques-uns à côté de ceux qui ont lutté vaillamment dans la Résistance, dans les camps à la Libération, de tous ceux qui sont morts en héros et en martyrs ?

Tu étais, Pétré, de ceux qui ont lutté, de ceux qui ont souffert et parmi les meilleurs. C’est pourquoi Résistants et Déportés, garderont toujours en leur cœur, vivant, bien vivant, ton souvenir et ta mémoire!»

 

Amiral Muselier

Jean Pétré et l'amiral Muselier à Marseille le 14 juillet 1948.

 

M. Jourdan, Résistance PTT  

Enfin, M. Jourdan, au nom de Résistance PTT, prononce l’allocution suivante.

«Mesdames, Messieurs, combien lourde est ma peine alors que je rends hommage au nom de Résistance PTT, au cours de cette cérémonie d’honneur et du souvenir à la mémoire de notre si cher camarade le colonel Pétré dont le décès brutal nous a plongés dans une profonde affliction. Son ami le colonel Simon nous a rappelé en termes élevés la vie supérieure du citoyen, du soldat, du résistant, vouée toute entière à sa patrie. Aussi bien dans les postes administratifs qu’il occupa avec une compétence qui n’avait d’égale que l’efficacité de son service et la distinction dont il auréolait toujours ses fonctions, qu’aux comités de rédaction des journaux auxquels il collaborait avec talent et brio, que dans les tranchées ou les plaines du Nord où il combattit avec acharnement contre l’ennemi ou qu’à la tête de l’AS, organisant parmi les pires dangers les forces clandestines de la région de Marseille, Pétré servit, servit encore, servit toujours et partout. Et je pense que la réintégration volontaire, sans phrase du colonel Pétré chargé de gloire et de fatigue, dans un modeste service de son administration d’origine, au retour de sa libération, n’est pas le moindre trait de son civisme inaltérable.

Civisme animé par des qualités incomparables. Quel magnifique officier fut notre ami, ainsi que l’a dit d’émouvante façon Monsieur Sauer. Les anciens briscards de tous âges du 141e ont gardé et conservé dans leur cœur l’amour de leur lieutenant, de leur capitaine, de leur chef de bataillon aussi brave que souriant, lucide qu’audacieux, calme qu’acharné et dont la gentillesse n’était surpassée que par son autorité.

 

Hommage fort St Nicolas

Article du 27 mai 1959 sur l'hommage rendu au colonel Pétré.

 

Officier, il le fut au sens le plus élevé quand il refusa de sacrifier sa patrie à la discipline militaire et qu’il décida dès le premier jour de la défaite de combattre l’occupant et ses collaborateurs. Ce que fut notre action résistante, inlassable, pleine de périls mortels, d’une ampleur et d’une efficacité rarement égalées, les mess de sous-officiers, les cercles d’officiers, les amicales régimentaires, les services de renseignements gaullistes et alliés, les imprimeries clandestines, les maquis de Provence et leurs terrains de parachutage le savent comme l’a ressentie cruellement dans sa chair, son matériel et sa logistique, l’ennemi.

Les ambulants aussi dont les WP franchirent de la façon la plus insolite à Chalon et à Moulins dès le mois de juillet 1940 les frontières de la France occupée et servirent pendant toute la guerre, sur tout le territoire, au transport des plis, des fonds et des armes de la Résistance, des prisonniers évadés, des Israélites persécutés, des résistants traqués ou en mission, connaissent quel parti Pétré, ambulant de carrière, a tiré de ses possibilités.

 

Recensement des juifs

Sur les murs de Marseille en 1941, affiche du préfet des Bouches-du-Rhône sur le recensement des juifs.

 

Et les agents des Centraux téléphoniques et télégraphiques, transmetteurs, capteurs ou destructeurs de messages, les agents des lignes et des installateurs saboteurs, les facteurs et les trieurs intercepteurs ou distributeurs de plis, tous les résistants des PTT, qui travaillèrent avec Pétré portent témoignage de sa lutte qui nous remplit d’admiration.

Cher Pétré, je t’entends encore me dire :  «Je n’ai pas voulu repriser les chaussettes des seigneurs. Aussi avais-je été jeté dans une mine et un jour où j’errais presque inconscient sur les limites de la mort, je sentis à l’évidence que j’allais mourir dans cette géhenne et dans un sursaut de tout mon être, je m’écriais : je ne veux pas abandonner !». Et il dompta la mort et il vainquit, dominant après l’avoir préférée à l’avilissement, l’immolation et suscitant par son exemple d’autres résurrections.

L’exemple, en vérité, Pétré nous le prodigua sans compter par la pratique de ses hautes vertus. Son courage tant de fois mis à l’épreuve, jamais ne faiblit et il se révéla le meilleur d’entre les meilleurs quand il opposa un mutisme absolu, bien qu’affolé de souffrances, aux tortures du sadique Delage et aux affres de la noyade maintes fois ressenties dans sa sinistre baignoire, sauvant ainsi la Résistance marseillaise.

425 rue Paradis

Le siège de la Gestapo à Marseille, au 425 rue Paradis, où Jean Pétré et de nombreux Résistants furent torturés (édifice aujourd'hui disparu).

 

Quel désintéressement était le sien. Ses titres, ses grades, ses distinctions civiles et militaires qu’il avait mérités par sa seule valeur et les services rendus, jamais il n’aurait voulu les troquer contre les charges brillantes dont le Résistantialisme fut prodigue. Et pourtant, il était digne de hautes et saines fonctions nationales. La modestie de ce héros nous touchait parfois jusqu’aux larmes. Avec quel souci de discrétion intervenait-il dans nos discussions parfois passionnées ; avec quel soin s’efforçait-il de s’effacer en toutes occasions devant ses camarades qui refusaient d’ailleurs avec un malin plaisir de se prêter à son jeu.

Dur dans le combat, il était d’une bonté et d’une générosité sans bornes. Aucune détresse ni infortune ne le laissait jamais insensible et ses compatriotes du Pays Basque, ses collègues, ses compagnons d’armes, ses camarades, ses amis ne peuvent y penser sans avoir à la fois chaud au cœur et froid à l’âme.

Et quelle richesse intellectuelle accompagnait cette splendeur morale ! Dissertant avec la même facilité que lui permettait sa vaste érudition, sur les solitaires de Port-Royal ou l’art baroque espagnol, averti de tous les courants de pensée et de toutes les philosophies, féru de classiques anciens et modernes, connaissant une grande partie du vaste monde de par ses voyages professionnels dont il avait rapporté une foule de souvenirs et d’anecdotes qu’il détaillait d’une manière inimitable, aussi à son aise dans les critiques d’arts diverses que dans les éditoriaux politiques qui lui avaient fait une réputation méritée dans le journalisme, capable de traiter par la parole et la plume rigoureusement et agréablement les sujets les plus divers comme les plus ardus, à la hauteur dans l’action de toutes les situations, Pétré ne se départissait jamais de cette exquise courtoisie et de ce tact souverain qui donnaient tant de charme à ses exposés, à ses entretiens et ménageait toutes les susceptibilités.

Il attirait l’amitié invinciblement et nous tous ses amis le pleurons amèrement. Mais si les regrets, les chagrins causés par le décès de notre ami sont immenses et nous prions ici sa famille de croire à notre bien vive sollicitude et à notre sincère affection, ils ne peuvent nous empêcher de méditer les grandes leçons que sa vie nous enseigne. Leçon de patriotisme d’abord : un patriotisme sans inspiration sectaire ni partisane quelconque esprit de justice et de progrès, puisant sa source dans les racines les plus profondes de la nation et de son peuple, fait à la fois de sentiment et de raison, correspondant à l’amour du fils pour sa mère et à la virile confiance dans le génie tutélaire de la race, exaltait Pétré et le dressait sur les voies du sacrifice.

De cet honnête homme à qui rien de ce qui était humain n’était étranger, une chaude lumière nous reste. L’existence dynamique, les recherches patientes, les expériences généreuses, l’action dangereuse, même les sacrifices et les souffrances de notre ami, la compréhension, l’autorité et le rayonnement qu’il en avait acquis nous disent avec quelle réussite il a cherché à mieux connaître l’homme, ses modes de vie, ses œuvres et ses rapports avec les choses pour le mieux comprendre, le mieux aimer et le mieux servir, et quelle reconnaissance nous lui en devons.

Il avait ainsi parcouru de nombreux chemins par lesquels les hommes cherchent la vérité et servent le bien, et son éclectisme, sa fine ironie, sa bienveillance et son esprit libéral lui avaient permis sans abdiquer aucune de ses convictions profondes, de comprendre tous les élans, d’admettre les refus, de supporter les doutes en les référant à cette philosophie souriante, aussi éloignée du cynisme que du fanatisme, qui aménage les opinions et les croyances de chacun, ne s’étonne pas plus de l’absolu que de l’inconnu, de l’invisible ou de l’absurde et les donne pour compagnons familiers aux hommes de bonne volonté.

Enfin, et il convient de le dire en ce lieu sacré, Pétré, Résistant sans peur et sans reproche, aimait à répéter au cours des longues années de décadence qui suivirent la Libération et tandis qu’il militait sans relâche pour le redressement national, que les Résistants devraient constituer une nouvelle chevalerie dont l’honneur intransigeant, le dévouement et l’esprit d’abnégation aideraient puissamment le pays à retrouver la foi en ses destinées et il pensait à tous les Résistants, les plus humbles comme les plus doués qu'il avait, une fois pour toutes, réunis dans son coeur.

Souvenons-nous en et par-delà nos différences de pensées, nous qui vînmes au secours de la nation en danger, pensons à ce qui nous unit, à notre passé de combats et de souffrances, au patrimoine moral imprescriptible de la Résistance, à notre idéal de justice, et servons ensemble la France et la République dont la puissance et l’indépendance du pays, l’esprit de paix, la justice et la liberté doivent consacrer l’union indissoluble.

Honneur et gloire au colonel Pétré».

 

III.- L’inauguration de la plaque commémorative de Saint-Jean-Pied-de-Port

 

Un an après la disparition de Jean Pétré, le 7 avril 1960, une plaque a été inaugurée à sa mémoire sur la façade de sa maison natale.

 

«Ici est né le colonel J.B. Pétré (1896-1959). Grand Officier de la Légion d’Honneur. Héros et martyr de la Résistance».

 

Plaque rue d'Espagne

Rue d'Espagne à Saint Jean Pied de Port, le 7 avril 1960, inauguration de la plaque sur la maison natale de Jean Pétré. De gauche à droite: Eugène Duny, Pierre Duny-Pétré, Mgr Gouyon (êveque et futur cardinal),... à l'extrême droite le colonel Henry Simon.

 

Le colonel Simon et M. Jourdan y prirent à nouveau la parole. Un discours fut également prononcé par M. Louis Inchauspe, président du Conseil général des Basses-Pyrénées et maire de Saint-Jean-Pied-de-Port, et par M. Laneuze, Directeur régional des Postes de Bordeaux.

 

Le discours de M. Louis Inchauspe  

«Excellence, Mesdames, Messieurs, il y a quelques années à peine, le colonel Pétré revenait prendre sa place dans notre petite commune. Il l’avait reprise sans faste et en toute modestie, vivant simplement au sein de sa famille, se mêlant à la population et se complaisant dans l’étude d’un passé local qui nous est cher à tous.

Nul ne se doutait, à l’entendre, le rôle très brillant et douloureux qu’il avait rempli dans la Résistance, cette Résistance qui fut l’honneur de la France occupée. Il a fallu sa mort, une mort prématurée qui l’a frappé, encore que, relativement jeune, il semblait devoir profiter de longues années de repos, pour apprendre en même temps les services éminents qu’il avait rendus à la patrie et l’honneur qui en rejaillissait sur la petite cité qu’il aimait tant.

Jean Pétré partit tout jeune de sa commune. Il se fixa à Marseille. Nous n’avons connu que plus tard son activité intellectuelle, cette activité qui lui ouvrit les portes du journalisme et de la radio. La guerre de 1939-1945 lui permit de mettre en lumière ses qualités militaires. Il gagna au cours de la campagne, la Croix de guerre et les galons de capitaine du 141e Régiment d’Infanterie Alpine. La Résistance lui ouvrit ses portes toutes grandes, et c’est là que le colonel Pétré donna les plus belles preuves d’un profond patriotisme, d’une abnégation totale de soi-même qui l’amenèrent au camp de Buchenwald, dont il devait revenir très diminué physiquement.

Il semble vraiment que dans les circonstances exceptionnelles que notre ami a vécues, l’homme se sente épuré et délivré en quelque sorte par l’excès de souffrances, de son enveloppe charnelle et se rapproche de Dieu, dont il est à ce moment l’incarnation vivante. Moments uniques dans la vie, moments infiniment précieux, que le colonel Pétré a payés d’un décès prématuré.

 

Inauguration plaque Saint Jean

Article du quotidien Sud-Ouest du 11 avril 1960 sur l'inauguration de la plaque du colonel Pétré, rue d'Espagne à Saint-Jean-Pied-de-Port.

 

Et voici qu’après une existence troublée et tourmentée, mais magnifiquement remplie, il est venu à Saint-Jean-Pied-de-Port, sa ville natale, où une maladie brutale et inopinée devait l’abattre en quelques jours. Saint-Jean-Pied-de-Port salue aujourd’hui la mémoire d’un de ses glorieux fils. Il est né dans une commune qui, de tous temps, a donné des preuves de son indépendance et de son amour profond de la liberté, une commune qui, au cours de sa longue histoire, a été, à l’intérieur de ses vieilles murailles, le refuge de personnes pourchassées et le point de départ pour la liberté, et a fourni dans les années tragiques, son contingent de martyrs au pays: nos amis le colonel Folio, Arretche et Cristeix, morts glorieusement au milieu d’atroces souffrances dans les camps de concentration allemands.

Jean Pétré, en nous quittant, avait transporté et conservé le sens de nos traditions et de nos habitudes.

Lieu de passage de toute antiquité que la commune où il est né. Les invasions qui se sont succédées sur son sol, les nombreuses années qui, d’un sens à l’autre, ont passé les Pyrénées, semant parfois la dévastation et souvent la misère, lui ont laissé la haine de l’envahisseur et le dégoût de l’oppression. Pendant la dernière occupation et la guerre, la population saint-jeannaise tout entière a su donner l’exemple des plus belles vertus civiques. Les jeunes qui fuyaient l’Allemagne et l’oppression ont trouvé chez elle asile et secours pour assurer des passages dangereux, en zone libre et vers l’Espagne.

Notre population est fière de saluer la mémoire de l’un de ses enfants qui lui a fait honneur».

 

Allocution de M. Laneuze, Directeur général des postes de Bordeaux  

 «Mesdames, Messieurs, il y a un an, parents et amis accompagnaient à sa dernière demeure Jean-Baptiste Pétré, héros et déporté de la Résistance, dont les actions patriotiques lui avaient valu d’être promu au grade de colonel et élevé à la dignité de Grand officier de la Légion d’honneur.

Il y a un an, une famille pleurait un être cher brutalement arraché à son affection. L’administration des PTT à laquelle il avait appartenu pendant près de quarante ans, perdait un de ses fonctionnaires de valeur, récemment retraité. La Résistance toute entière s’endeuillait de la perte d’un de ses soldats qui, dans la nuit de la clandestinité, firent sa gloire et surent se hisser au sommet qu’atteignent seuls les héros.

Résistance PTT dont les membres venus des quatre coins de France avaient tenu à dire un dernier adieu au prestigieux ami, mesurait l’immense vide creusé dans ses rangs par la disparition d’un de ses meilleurs représentants. Les déportés, survivants de l’affreux cauchemar, aux rangs chaque jour plus clairsemés, avaient, comme au moment des visions d’épouvante qu’ils ont connus, la même pensée et éprouvaient stoïquement la même tristesse.

La plaque qui vient d’être dévoilée doit rappeler aux générations à venir que dans cette maison basque, naquit et mourut un grand Français, un très grand Français, dont la force virile, l’allant, le courage, la valeur, l’audace, l’amour du sol natal, l’empêchèrent d’assister indifférent à l’agonie da la France. Sans hésiter un seul instant, Pétré répondit à l’appel sacré de la patrie et il fut un des premiers parmi ceux qui, d’un peu partout en France, se levèrent d’un seul élan pour entreprendre la lutte sourde et dangereuse contre l’envahisseur nazi.

 

Recensement israélites à Marseille

Murs de Marseille, affiche du gouvernement de Pétain sur le recensement des Israélites.

 

Ce combat singulier et glorieux a été rappelé, mieux que je ne l’aurais fait moi-même, par le Président national de Résistance PTT. J’évoquerai seulement les souvenirs que chaque déporté vivant garde, gravés en lettres de sang au plus profond de son être. Jean-Baptiste Pétré, engagé volontaire de la Résistance, appartenait à l’armée de ceux qui ont «voulu» et «accepté» d’avance tous les risques de leur action contre l’ennemi ; à l’armée de ceux qui tinrent tête courageusement dans des batailles d’un nouveau genre : interrogatoires, tortures de la Gestapo, et qui durent souffrir, muets, conscients de la valeur de leur silence, ne connaissant personne, n’étant plus connus de personne ; à l’armée de ceux qui livrèrent dans une lutte inégale le combat de la faim, de la soif, des coups, des humiliations, de l’épuisement, mais dont la force morale éclatait par moments, tel le plastique, en une vibrante Marseillaise s’élevant même des chambres à gaz ou devant le poteau d’exécution ; à l’armée de ceux qui servirent leur patrie sans s’accorder un seul instant de repos, en loques rayées dans le froid des levers matinaux, comme dans celui des nuits sans sommeil, dans l’exécution lente du travail forcé, accablant, tout au long des minutes interminables de misère, de douleur et d’agonie.

Jean-Baptiste Pétré fut de ceux dont le temps estompe à peine les images impérissables des martyrs assassinés, des baignoires, du voyage sans bagage vers l’Allemagne à 110 entassés dans un wagon à bestiaux du type «40 hommes, 8 chevaux», des potences, des départs au travail en musique, des rangées par cinq d’êtres squelettiques s’étayant les uns les autres pour ne pas tomber pendant les appels interminables au camp, l’hiver, dans la nuit sans clarté ou le feu des projecteurs, dans le froid, dans le vent, sous la pluie, sous la neige.

Quand on se rappelle tout cela, on a honte devant tant de crimes perpétrés par tout un peuple, on a honte devant tant de bestialité et de sadisme, on a honte devant ce que des hommes ont osé faire à d’autres hommes.

Et puis on est fier en songeant que des Français dont tu étais Pétré, ont été humiliés, battus, torturés, déchiquetés, noyés en gardant les dents serrés, enfermant dans leur cœur contracté la crainte de faillir, de laisser s’échapper un aveu ou un nom. On est fier en pensant que devant tant de souffrances, que devant l’horreur des cadavres entassés destinés aux fours crématoires, des hommes exténués n’ont jamais cessé de croire et d’espérer en une autre vie dans un pays de liberté.

Alors qu’au rappel de ces sinistres souvenirs l’émotion m’étreint, permettez à ma pensée de s’envoler en cet instant vers ceux qui, dans ces camps de deshumanisation, furent exterminés, méthodiquement, lentement, un à un; vers ceux qui sont morts là-bas, épuisés, après avoir perdu, jour après jour, un peu plus de l’éclat de leurs yeux, un peu plus du timbre de leur voix, un peu plus de leur santé, un peu plus de la force de leurs membres ; vers ceux qui sont morts après avoir subi tout ce qu’il est inhumain d’imaginer, après avoir souffert au-delà de la souffrance; vers ceux qui, marqués dans la chair par ces terribles épreuves, s’en sont allés depuis la Libération, conscients d’avoir fait leur devoir et de l’avoir bien fait.

En ce premier anniversaire qui nous trouve réunis pour évoquer la mémoire de Jean-Baptiste Pétré, j’associe le souvenir de tous ces Croisés des temps modernes qui, après avoir lutté jusqu’à l’épuisement pour un noble idéal, se sont endormis du dernier sommeil.

Et si les survivants se sentent mal placés pour essayer de dégager la leçon des événements sans risquer de trahir la pensée des morts, je puis dire sans crainte de me tromper que de leurs tombes, ils nous demandent de ne pas mésestimer la grandeur d’une terre rachetée au prix de tant de souffrances ; ils nous demandent de ne pas désespérer de l’avenir d’un pays dont eux-mêmes, aux pires jours, ne doutèrent jamais ; ils nous demandent de ne pas les renier en renonçant à suivre leur voix; ils nous demandent de ne pas oublier.

Nous ne pouvons oublier, nous qui sommes comme leurs ombres, que nous vivons libres parce qu’ils furent esclaves, qu’ils ont, tout au long de leur dur chemin de croix, fait des rêves de fraternité, qu’ils ont été comme toi, Jean-Baptiste Pétré, un exemple. Leur idéal commun de pensée et d’action animera toujours nos communs efforts pour essaimer dans le monde toujours plus de justice sociale, toujours plus de liberté soucieuse de la dignité et du bonheur pour que le grand élan qui vit des hommes dire non à la domination et à la barbarie, sache dire oui à l’espérance humaine».

 

IV.- Dernier témoignage

 

Bien des témoins, par écrit ou de vive voix, nous ont dit le souvenir qu’ils gardaient de Jean Pétré. De cette masse, nous détachons les deux textes suivants : celui d’un camarade de travail et de sa fille, qui était encore une petite fille lorsqu’elle connut et admira le colonel Jean Pétré. Leur simplicité, mieux que des phrases pompeuses, donnera une dernière et vive impression de l’attachement que suscitait partout la gentillesse de notre cher disparu.

 

En souvenir du colonel Pétré

Témoignage de M. Raymond Roustan

«J’étais sous les ordres directs de Monsieur Jean Pétré, qui, à son retour du camp de la mort de Buchenwald, avait repris tout tranquillement avec son sourire légendaire, la direction du service des Enquêtes, à la Direction des ambulants de la ligne de la Méditerranée. Habitant la Penne-sur-Huveaune et en qualité de secrétaire du Comité local d’entraide des Bouches-du-Rhône, je m’efforçais d’organiser une fête afin d’augmenter les fonds de notre comité et procurer aussi un peu de bien-être à nos Anciens.

J’avais contacté le groupe Loisirs et culture des PTT qui m’avait assuré de son concours bénévole. Je cherchais le moyen de rehausser l’éclat de notre fête et je faisais part à Monsieur Pétré de toutes mes hésitations. Mais, mon cher ami, me dit-il, pourquoi ne m’avez-vous pas demandé la musique du 141e? Je restais stupéfait. La musique du 141e! Mais bien sûr, me répondit-il, je vais faire le nécessaire auprès du camp de La Demande et vous aurez la musique du 141e pour compléter votre concert. Ce qui fut dit, fut fait en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire.

Et le dimanche suivant, 90 musiciens du 141e prenaient place dans la petite cour de l’école des filles de La Penne et donnaient une magnifique réplique aux tours de chant du Centre Loisirs et culture. Ce beau concert était naturellement placé sous la présidence du colonel Pétré. La recette dépassa toutes nos espérances et ce qui fut peut-être le plus touchant, ce fut de voir briller les larmes dans les yeux d’un de nos sympathiques anciens qui s’écria : quelle joie pour moi d’entendre dans mon pays, la musique de mon régiment !

Et pour cette joie, qui fut peut-être la dernière de ce brave homme, que la mémoire du colonel Pétré soit évoquée ici et que votre beau régiment et son éclatante musique soient remerciés».

 

En souvenir du colonel Pétré

Témoignage de Mlle Christiane Roustan

«Pour ma part, j’ai quelques souvenirs personnels concernant votre cher capitaine. Etant un ami de mon père, le colonel Pétré, comme nous l’appelions amicalement à la maison, était souvent venu déjeuner chez nous et ces repas intimes, pris dans une ambiance toute familiale, ont laissé un souvenir inaltérable dans ma mémoire. Mais ce qui a frappé le plus mon âme d’enfant, car j’étais une enfant à cette époque-là, c’est son retour de déportation. Mon père était allé le voir chez lui le jour même de son arrivée et il l’avait invité à déjeuner. J’attendais ce jour avec une grande impatience et lorsque ce jour arriva, tandis que ma mère et ma grand-mère s’affairaient autour des fourneaux, que mon père était allé plus avant à sa rencontre, moi j’avais le cœur qui battait très fort, j’attendais celui qui avait souffert, celui qui avait été déporté, celui qui suscitait tant d’admiration dans mon entourage, je ne comprenais pas très bien ce que j’avais entendu dire, mais pour moi, c’était un héros. Et lorsque j’entendis ses pas sur le gravier, je me précipitais, je l’embrassais très fort, puis prise subitement d’une grande timidité, je me sauvais, courant, sautant, criant : il est là, il est là ! J’étais heureuse. J’avais vu le colonel Pétré, le héros, le symbole vivant de mon pays. Je garderai toujours de ce moment-là un souvenir ému.

Je m’incline devant le drapeau du 141e, son cher régiment dont je garde aussi un éclatant souvenir et je termine en disant ce que j’avais dit à notre cher ami, le jour de la fête du comité d’entraide à La Penne-sur-Huveaune: vive le 141e, vive le colonel Pétré!»

 

Inauguration rue 2

 Article du quotidien Le Provençal du 18 novembre 1963 sur l'inauguration de la rue du colonel Pétré à Marseille.

 

Inauguration rue 1

 

Article du quotidien La Marseillaise du 18 novembre 1963 sur l'inauguration de la rue du colonel Pétré à Marseille

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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 20:41

Arrestation par la Gestapo de Marseille

du colonel Jean Pétré,

chef régional de l’Armée Secrète,

 le 4 juillet 1943

 

Témoignage de Pierre Duny-Pétré

 

Chapitre I.

De 1940 à 1943 ou l’effondrement de l’Armée Secrète

 

Après l’Armistice de 1940, le capitaine de réserve Jean-Baptiste Pétré s’était retiré chez lui à Marseille. Ancien commandant de compagnie au 141è Régiment d’Infanterie Alpine, ses soldats l’avaient nommé à l’unanimité, président de leur amicale, en raison de sa conduite glorieuse pendant la guerre, ainsi que pour ses qualités exceptionnelles d’entraîneur d’hommes. Il faut savoir que le 141è RIA n’avait pas été fait prisonnier par les Allemands et qu’il était toujours resté face à l’ennemi, jusqu’à l’arrivée de Pétain au pouvoir. D’ailleurs, le 18 juin 1940, répondant à l’appel du général de Gaulle, le capitaine Pétré avait créé clandestinement, au sein de son amicale, deux bataillons d’infanterie destinés à épauler l’armée d’armistice, dans l’éventualité encore incertaine des futurs combats de libération.

A cette époque, beaucoup de gens croyaient encore que le maréchal Pétain n’attendait que l’occasion de s’opposer ouvertement aux forces d’occupation germano-italiennes. Malheureusement, comme chacun sait, on attendit en vain. Tous les espoirs furent déçus et ce fut la Collaboration.

Grâce à des hommes tels que Jean Moulin et le général Charles Delestraint, une résistance armée fut bientôt organisée sur le territoire métropolitain. C’est ainsi que naquit l’Armée Secrète ou AS. Pour le Sud-Est de la France, le capitaine Pétré fut chargé par le général Delestraint de créer les premiers maquis de cette armée clandestine. Il prit alors le nom de chef de la région 2 et fut promu au grade de commandant puis de colonel. Mais tout était à faire en 1942. Les combattants clandestins de toutes provenances et de tous âges, furent instruits et organisés militairement dès les premiers mois de l’été. Au début, ces hommes ne formaient que des groupuscules et l’on ne parlait encore que de commandos, étant donné leurs maigres effectifs et la nomadisation continuelles des « bandes terroristes » qu’ils représentaient pour la police de Pétain.

Le matériel de guerre était plutôt rudimentaire et ne pouvait convenir qu’à des opérations nocturnes de faible envergure. Il s’agissait principalement de fusils de chasse, de pistolets automatiques et d’explosifs dérobés dans des carrières. Bientôt, les vols chez les armuriers commencèrent à se multiplier ainsi que divers attentats contre les troupes d’occupation, ils rapportèrent quelques armes de guerre avec leurs munitions.

Par la suite, étant donné le nombre croissant de réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire en Allemagne), les maquis prirent davantage d’ampleur et les refuges qu’ils représentaient pour beaucoup de jeunes gens, formèrent une chaîne qui s’étendait depuis le massif du Lubéron jusqu’aux Alpes de Haute Provence. Les premiers parachutages d’armes en provenance d’Angleterre eurent lieu sur les montagnes qui dominent Digne et notamment dans la vallée des Dourbes. Malheureusement, au printemps 1943, tout allait s’effronder à la suite de trois événements majeurs.

Le 9 juin 1943, le général Charles Delestraint, alias Vidal, était arrêté au cours d’un voyage à Paris. Commandant en chef de l’AS sur le plan national, il fut torturé par la Gestapo et déporté au camp de concentration de Dachau. D’après les témoignages de survivants, son attitude fut exemplaire et suscita l’admiration de tous ceux qui l’ont connu. Soldat de métier, le général refusa obstinément de s’humilier devant ses ennemis. Il continua à revendiquer son grade de commandant d’armée, fut-elle clandestine. Les SS du camp se conduisirent comme des barbares qu’ils étaient et finirent par le fusiller, complètement nu, à quelques pas du four crématoire de Dachau. C’était le 19 avril 1945.

Le 21 juin 1943, Jean Moulin, alias Max, était capturé près de Lyon, à Caluire. Ancien préfet de la République, il avait été chargé par le général de Gaulle d’unifier tous les mouvements de la Résistance intérieure française. Il fut trahi et arrêté lors d’une réunion où l’on devait précisément désigner le nouveau chef national de l’Armée Secrète, le général Delestraint venant d’être arrêté par la Gestapo. Torturé par les SS de Klaus Barbie, chef de la police allemande à Lyon, il mourut au cours de son transport à l’hôpital.

Le 4 juillet 1943, le colonel Jean Pétré, alias Chardon, était arrêté à Marseille. Interrogé et torturé dans l’immeuble occupé par la Gestapo, 425 rue du Paradis, il fut d’abord incarcéré à la prison Saint-Pierre de cette ville. Par la suite, on l’interna dans la Centrale de Fresnes, pour être finalement déporté en Allemagne au camp de Buchenwald. Contrôleur principal des PTT dans le civil et capitaine de réserve depuis 1937, il avait été mobilisé en 1939 pour commander la 6e compagnie du 141e régiment d’Infanterie Alpine. Les Allemands ignoraient que le général Delestraint l’avait nommé colonel, chef de l’Armée Secrète pour le Sud-Est de la France, cela lui sauva certainement la vie.

 

Arrestation Jean Pétré 1 

Arrestation Jean Pétré 2

Arrestation Jean Pétré 3

Rapport du commissaire principal Leblanc le 10 juillet 1943 sur l'arrestation de Jean Pétré

 

Chapitre II.

La Gestapo dans ses œuvres, un rendez-vous fatal

 

 

Le dimanche 4 juillet 1943 à Marseille, vers dix heures du matin, mon oncle Jean Pétré, président de l’amicale régimentaire du 141e RIA et demeurant 7 rue Pierre Puget, se rendait comme d’habitude à pied, au siège de cette association, 16 rue Frédéric Chevillon. Mais ce jour-là, je devais l’attendre à la sortie, car nous étions invités chez un de ses soldats, dans les environs de la ville. Bien manger et se détendre à la campagne, c’était miraculeux en 1943!

La rue Frédéric-Chevillon descend du quartier Saint-Charles pour aboutir au cours Joseph-Thierry, d’où partait le tramway que nous devions prendre. Un peu avant midi, j’attendais donc comme convenu, au bas de cette rue, en faisant les cent pas sur le large trottoir du cours. Le temps était magnifique, cependant les minutes s’écoulaient et l’inquiétude me gagnait peu à peu. Que diable pouvait faire mon oncle dans cette amicale, alors que nous étions invités?

C’est alors que je me rendis compte de la présence d’une voiture Citroën noire de type traction avant, qui venait de s’arrêter tout doucement au bord de mon trottoir. Mauvais signe… Ce genre de véhicule était couramment utilisé par les commandos de la police allemande. Néanmoins, mon premier réflexe fut d’agir comme si je n’avais rien remarqué. Ce qui s’est passé en moi à cet instant précis est difficile à expliquer. Ce genre d’état d’alerte produit un effet bénéfique, la pensée étant alors absorbée par un seul problème qu’il faut à tout prix résoudre d’urgence. Donc il n’y a pas de place pour la frayeur paralysante, le calme et la présence d’esprit s’imposent d’eux-mêmes. On peut donc observer ce qui se passe autour de soi et se préparer en vue d’une réaction immédiate.

Dans une telle situation, il fallait en premier lieu se garder d’avoir l’air trop dégourdi ou trop intelligent et donc dangereux, en présence d’un adversaire qui observe, afin d’endormir autant que possible la surveillance dont on est l’objet. J’ai donc continué à me déplacer de long en large sur le trottoir. Mais chaque fois que je revenais sur mes pas, je me rapprochais un peu plus de la voiture mystérieuse, avec un air distrait et les yeux dans le vague. Je vis qu’elle était pleine d’hommes, ils se trouvaient là immobiles,  serrés les uns contre les autres. Bientôt, je me rendis compte que mon regard indifférent semblait quand même les gêner, car tout d’un coup, une carte Michelin se déploya contre la vitre du véhicule. Alors je compris qu’à l’intérieur se trouvaient des prisonniers de la Gestapo dont le visage devait être passablement tuméfié. Sans doute mon oncle se trouvait-il là lui aussi, enchaîné, probablement victime d’une dénonciation.

A maintes reprises, je lui avais suggéré de changer périodiquement de résidence et de ne pas suivre trop régulièrement le même itinéraire lorsqu’il circulait à pied dans les rues. Enfin n’aurait-il pas dû se méfier des gens de son entourage qui étaient plus ou moins au courant de ses activités anti-allemandes ? Il existait alors non seulement des traitres, mais aussi des bavards, des vantards et des imbéciles tout aussi dangereux. Mon oncle ne me donnait pas tort, mais il coupait court à toutes mes considérations alarmistes, avec cette phrase magnifique : « Il n’y a rien à faire, mon vieux, moi j’ai besoin d’avoir confiance ! » C’était en effet un homme très sensible sur le plan affectif. Il suffisait de voir dans quelle ambiance chaleureuse se déroulaient les réunions de l’amicale du 141ème RIA. L’attachement que lui témoignaient les anciens Alpins avait quelque chose de magique et de spontané où se mêlaient curieusement la franche camaraderie et le respect que l’on ressent à l’égard d’un chef de guerre incontesté. Malheureusement, malgré les dangers auxquels l’exposait son activité clandestine, il avait trop tendance à offrir sa sympathie ou même son amitié, à n’importe qui. Son optimisme imperturbable ne le quittait jamais, même au milieu des situations les plus désespérées. Et c’est peut-être là que résidait sa force.

A présent, il était trop tard pour lui. C’était  donc à moi de jouer puisque j’étais encore libre. Mais la moindre faute de manœuvre m’était interdite.

 

Chapitre III. La descente de la Gestapo

au n° 16 de la rue Frédéric Chevillon

Tranquillement et les mains dans les poches, je ne changeais rien à mon genre de promenade. Mais tout comme je l’avais fait pour la Citroën traction avant noire, je me rapprochais de plus en plus de la rue Frédéric Chevillon, en haut de laquelle se trouvait le siège de l’amicale du141e Régiment d’Infanterie Alpine. Il fallait absolument que je donne l’alerte ou tout au moins que j’essaie. Hélas, je n’étais pas plutôt engagé dans cette rue, que je sentais obscurément qu’une sorte de mécanisme venait de se déclencher derrière moi. Bientôt, j’entendis le bruit d’une galopade. Je ne me retournai pas et continuai à marcher sans me hâter. Et tout d’un coup, vlan! Je fus bousculé et poussé en avant, tandis que le canon d’un pistolet s’enfonçait dans mon dos. Comme je ne réagissais toujours pas, mon agresseur se mit à hurler, avec un magnifique accent marseillais : «Sors tes mains des poches, beau jeune ! Et plus vite que ça!» Peut-être me croyait-il armé. C’est son accent méridional et familier qui m’impressionna le plus car je m’attendais à quelque chose de nordique !

Mon adversaire me poussait toujours devant lui et je m’aperçus qu’il était accompagné de deux «collègues» qui avaient des gueules plutôt patibulaires. Ils n’étaient sûrement pas du midi, ceux-là! Et puis ils ne disaient rien. Tandis que nous approchions du numéro 16 dont la porte était largement ouverte, j’avais remarqué que le haut de la rue était occupé par un drôle de citoyen qui balançait négligemment une mitraillette au bout de sa main droite. Mais un grand coup de pied au derrière interrompait mes contemplations, et j’atterrissais aussitôt dans le local de l’amicale, parmi les consommateurs attablés comme dans un bar, et qui plaisantaient en riant bruyamment. Mon marseillais me poussa encore vers l’intérieur, tout en gueulant: «Police allemande! Tout le monde debout et les bras en l’air!» Dans sa main, il tenait toujours son revolver de fort calibre.

Etant donné l’accent et l’aspect débonnaire du bonhomme, personne n‘avait bougé dans la salle. Persuadés qu’il s’agissait d’une bonne blague, tous les gars éclatèrent de rire. C’est alors que les choses se gâtèrent. Le Marseillais cria encore plus fort son commandement. Il lâcha mon bras, se précipita vers le comptoir en tirant un coup de pistolet au plafond, tandis qu’un grand escogriffe qui l’accompagnait, fonçait vers le fond du local pour s’adosser au mur et «braquer» tout le monde avec une mitraillette. C’était une vraie scène de western. Une scène qui n’avait duré que quelques secondes.

 

203 Siège du 141e RIA

Au siège de l'amicale régimentaire du 141e RIA (cliché postérieur à la 2è guerre mondiale).

 

La situation devenait sérieuse. Lentement, les consommateurs levèrent les bras et se mirent debout, en observant d’un œil curieux mon énergumène. Par la suite, j’ai su qu’il s’agissait d’un nommé Tortora, un genre de « gorille » qu’on appelait Antoine, trapu, large d’épaules, ancien boxeur, d’origine corse (1). C’était donc lui le chef de l’expédition, car il se mit encore à crier cette phrase surprenant: «Quels sont ceux, ici, qui n’appartiennent pas à l’Amicale?» Il cherchait sûrement certains de nos maquisards qui avaient besoin de contacter le colonel Pétré pour une affaire urgente. Comme personne ne répondait, je me suis avancé en disant: «Moi!» Mais Antoine qui ne m’avait même pas regardé, précisa: «Nous savons qu’il y a ici quelqu’un qui n’est pas de l’amicale. Il porte le ruban de la Croix de guerre 39-40». Au temps de Pétain, c’était un ruban vert strié de noir, car il étant entendu en France, que la guerre était terminée depuis 1940.

Mais tout près de moi, un garçon grand et maigre s’est avancé. Malgré sa tenue de ville, son costume sombre et sa cravate, j’ai reconnu en lui l’officier qui s’occupait des parachutages d’armes. Avant de s’approcher d’Antoine, il avait laissé tomber par terre un bout de papier froissé. Aussitôt, en feignant de bouger pour le laisser passer, j’ai posé mon pied sur ce document. Deux sbires de la Gestapo l’ont appréhendé pour le conduire brutalement vers la sortie. Profitant de la bousculade, je ramassais ce papier que j’enfonçais rapidement entre les coussins d’une banquette. Plus tard, j’appris qu’il s’agissait d’un message écrit par mon oncle, afin d’avertir notre maquisard qu’à partir de 11 heures du matin, il risquait d’être arrêté et qu’il devait quitter les lieux immédiatement. Or, il était déjà plus de midi et le pauvre garçon venait d’être victime de son imprudence.

Quant aux policiers, ils n’avaient rien vu, car ils étaient occupés à choisir cinq ou six otages parmi les amicalistes. D’ailleurs, ils paraissaient nerveux et inquiets, n’étant plus que trois ou quatre en face d’une trentaine d’anciens soldats du 141e RIA. Ils sortirent précipitamment, en poussant devant eux leurs prisonniers. Bien à regret, je faisais partie du groupe et je regardais, à tout hasard vers le haut de la rue. Mais l’homme à la mitraillette était toujours là, flegmatique, attendant sans doute l’ordre de rejoindre le commando. Alors je descendais dans la rue moi aussi, mais en ayant soin de rester toujours derrière les autres. Vieille habitude, hélas.

Nous arrivâmes ainsi au cours Joseph Thierry, près de la gare des tramways qui desservaient la banlieue nord. La voiture noire avait disparu. Les policiers nous alignèrent en bordure du terre-plein bitumé qui servait de quai d’embarquement aux voyageurs. Toujours sous la menace de leurs armes, ils commencèrent à nous fouiller soigneusement de la tête aux pieds, sans doute avec l’intention de nous embarquer dans un fourgon qu’ils semblaient attendre.

 

(1) Antoine Tortora, dit «Antoine le boxeur», membre du SD (Sicherheitsdienst, service de contre-espionnage allemand couramment nommée Gestapo) de Marseille, exécuté à Aix-en-Provence par la Résistance le 17 juillet 1944.

 

Chapitre IV.

Evasion, mais retour volontaire dans la gueule du loup

Toujours fidèle à une habitude devenue instinctive dès qu’il s’agissait d’une fouille à laquelle je désirais me soustraire, je me suis trouvé, comme par hasard, au bout de la rangée, à l’opposé de l’endroit où les Allemands commençaient leur travail. Ainsi, j’avais le temps de voir comment les choses se passaient, de bien réfléchir sur ma situation et de me préparer à agir en conséquence. A présent, j’étais certain que mon oncle n’avait rien révélé, ou qu’il n’avait «avoué» que des choses insignifiantes. Il fallait donc absolument que je m’évade pour arriver à notre domicile avant la Gestapo, afin de camoufler autant que possible, tout ce qui pouvait être compromettant. Je m’en voulais terriblement d’avoir perdu un temps précieux au bas de la rue Frédéric-Chevillon, sans même penser que mon oncle pouvait être déjà arrêté.

Cependant, autour de moi, la foule du dimanche devenait de plus en plus compacte. Les gens qui prenaient le tramway pour se rendre à la campagne, commençaient à affluer vers l’aire d’embarquement. Badauds et curieux s’approchaient de l’étrange groupe que nous formions et même posaient des questions pour demander ce qui se passait, malgré les coups de gueule d’Antoine Tortora et de ses acolytes. Bientôt, ce fut la pagaille: celle que j’attendais! Hommes, femmes et enfants traversaient la place dans tous les sens. Le monde entassé autour des tramways, débordait de plus en plus vers notre alignement de prisonniers. Je n’avais que quelques pas à faire en retrait pour être mêlé à la troupe bruyante et désordonnée des Marseillais qui se pressaient autour de nous. Alors, un coup d’œil à ma droite où personne ne me surveillait, un coup d’œil à ma gauche où les policiers étaient occupés par leur fouille, et je reculais doucement, de façon à me trouver parmi les curieux. Encore une légère «marche arrière», et ma manœuvre était terminée. Je faisais maintenant partie de la foule. Qu’est-ce que je risquais dans cette masse grouillante? Un autre coup de pied au derrière? D’ailleurs je n’étais plus en danger, car j’avais déjà quitté les lieux. Manifestement, on ne remarquait plus mon absence. Mais il fallait agir vite et sans perdre la tête.

Alors je me dirigeais d’un pas rapide vers l’église des Réformés. De là j’ai couru à travers les rues qui montent vers la place Jean Jaurès. En trombe, j’ai parcouru la Place Notre-Dame-du-Mont, afin de gagner le cours Lieutaud et de descendre enfin la rue Puget, aujourd’hui rue Albert Chabanon, jusqu’au numéro 7 où se trouvait notre domicile. Mais pendant cette course effrénée, je me broyais littéralement les méninges, aux prises avec un problème que je devais résoudre en quelques minutes, c’est-à-dire avant l’arrivée de la Gestapo dans l’appartement.

Fallait-il que j’emporte dans un sac tous les documents compromettants, ainsi que diverses armes de l’AS pour m’échapper aussitôt vers le Maquis dont j’assurais périodiquement la liaison? Voilà une solution facile: celle que choisissaient en général les Résistants qui étaient activement recherchés par la police allemande. Ils s’en allaient ainsi en catastrophe vers le Maquis ou vers l’Espagne. C’était donc un peu le sauve-qui-peut, pour ne pas dire la panique! Mais en ce qui me concerne, la situation n’était pas du tout la même. C’est par hasard que j’étais tombé entre les mains des policiers allemands qui ne connaissaient nullement mon activité résistante, car celle-ci avait toujours été soigneusement cachée, de telle sorte qu’en cas d’arrestation du colonel Pétré, je pouvais représenter un dernier atout défensif et intervenir à mon tour, sans éveiller le moindre soupçon.

Enfin, une fuite définitive, en abandonnant l’appartement, n’était-elle pas un véritable aveu de culpabilité? Et surtout, une pareille conduite de ma part n’aurait-elle pas renforcé les soupçons qui pesaient terriblement sur le capitaine Pétré interrogé par la Gestapo? Non, il fallait à tout prix que je reste là, à mes risques et périls. Je devais essayer coûte que coûte, de jouer les innocents, c’est-à-dire le rôle du jeune neveu désemparé, puisqu’il allait se trouver seul à Marseille. Je pourrais être par exemple un étudiant absorbé par son travail et complètement dépassé par les événements actuels. Bref, une fois de plus, il faudrait que je me batte sans armes. Mais à présent, la bataille serait rude, car les gens de la Gestapo n'étaient pas précisément des enfants de cœur.

Tout en montant l’escalier quatre à quatre, nous habitions au deuxième étage, je me mettais dans la peau du jeune homme que j’allais devenir. Dans l’appartement, je ramassais en hâte les paperasses relatives à nos maquis, afin de les déposer, bien à plat, sous le large paillasson du palier. C’était plutôt sommaire! Mais je n’avais pas le choix, vu l’urgence. D’ailleurs, je savais par expérience, qu’en pareil cas, les cachettes les plus idiotes sont souvent les meilleures. Les pistolets qui avaient été glissés, avec leurs munitions, le long des bras de nos gros fauteuils, furent descendus à la cave de l’immeuble, et dispersés dans un tas de charbon. Il s’agissait d’une cave sans lumière, complètement vétuste, où l’on ne pouvait que s’éclairer à la bougie. Trempé de sueur, après m’être lavé les mains, je retirais ma veste pour enfiler une robe de chambre, et m’installer au bureau du salon, entouré d’une montagne de bouquins, comme si j’étais là depuis longtemps.

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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 20:40

 

Chapitre V. Seul dans l’appartement avec la Gestapo

  Cette mise en scène venait à peine d’être terminée, que la porte du logement était ébranlée par des coups formidables, tandis que la sonnerie retentissait furieusement. Alors, je me suis précipité vers la porte d’entrée pour accueillir mes sinistres visiteurs, au culot, avec un aimable «Bonjour Messieurs, que se passe-t-il? Est-il arrivé malheur à mon oncle ? Entrez donc je vous prie… ». Je remarquais que ce n’était pas tout à fait la même équipe qu’à la rue Frédéric Chevillon. Il y avait toujours l’inénarrable Antoine Tortora, mais c’est un autre homme qui m’a interpellé. Il était plus jeune, plus distingué et s’exprimait dans un français irréprochable. Plutôt blond, pas plus grand que moi, mais très alerte et du genre sportif. J’ai su plus tard, qu’il s’agissait du fameux officier SS Ernest Dunker, alias Delage.

 

Manifestement, il avait l’air très surpris en entrant dans l’appartement. Meublé avec goût, plein d’objets d’art, de souvenirs divers, de jolis tableaux et de bouquets de fleurs fraîches, ce n’était pas le repaire de brigands qu’il avait sans doute imaginé. Dès lors, je me suis senti plus à l’aise en présence de cet officier allemand. Par chance, nous étions au début de l’après-midi et Delage n’avait pas encore ingurgité trop de cognac… Il n’était pas devenu une bête féroce ! Bien au contraire. Très courtois, il s’était assis sans façon, devant mon bureau et feuilletait négligemment quelques ouvrages de philosophie, tout en me parlant. Il paraissait m’écouter d’une oreille distraite, mais j’étais sur mes gardes, car je sentais qu’il enregistrait parfaitement mes explications.

Heureusement pour moi, le nouveau rôle que je m’efforçais de jouer, se trouvait tout à fait à ma portée. Ancien étudiant à la faculté des Lettres d’Aix-en-Provence et servi par mon physique très jeune, je pouvais le cas échéant justifier tous mes déplacements dans la direction de cette ville universitaire, car c’est de là que nous montions vers nos maquis. Bien entendu, je ne niais pas que mon oncle, le capitaine Pétré, officier de réserve et glorieux combattant de 1939-1940, n’était guère germanophile. L’atmosphère patriotique qui régnait dans son Amicale régimentaire pouvait en témoigner. Mais de là à s’imaginer qu’il s’occupait de terrorisme… Non, ce n’était pas son genre. A mon avis, il avait dû se montrer imprudent en se laissant entraîner par ses idées militaristes, mais c’était tout. Et puis les gens de son entourage parlent à tort et à travers, en disant souvent n’importe quoi pour avoir l’air au courant de secrets qu’ils inventent eux-mêmes ! Bref, je développais ainsi l’essentiel de ma «plaidoirie». Pendant un bon moment, j’ai eu l’impression bizarre d’être devenu un candidat qui passe un examen oral devant un professeur sévère. Maintenant, Dunker restait silencieux. Il continuait à compulser machinalement mes livres.

 

Dunker Delage Ernest 2

Photo anthropométrique d'Ernest Dunker-Delage lors de son arrestation. Condamné à mort le 24 février 1947 par le tribunal militaire de Marseille, il fut exécuté le 6 juin 1950. Le procès-verbal de son interrogatoire par le colonel Pétré après la Libération, figure dans ce blog, dossier "Crimes de guerre ennemeis, documents d'enquête".  

 

«Eh bien oui ! s’écria-t-il tout d’un coup avec un soupir de lassitude. Vous n’êtes pas très malins en France. Vous parlez trop et souvent, il suffit à nos agents d’écouter vos vantardises. Voilà le résultat : vous vous mettez dans de beaux draps. Vous avez joué et vous avez perdu!» Evidemment, je lui donnais raison sur toute la ligne. Mais je n’en croyais pas mes oreilles. Car à présent, c’est tout juste si Dunker, jeune officier SS n’allait pas s’excuser de se trouver devant la triste obligation d’arrêter le capitaine Pétré. Président d’une amicale d’anciens combattants, en me laissant ici tout seul, comme un orphelin. De toute façon, il était loin de se douter qu’il avait mis la main sur un chef régional de la Résistance.

Néanmoins, j’étais toujours dans une situation délicate, car mon oncle, de son côté, continuait à être soumis à la torture systématique des « interrogatoires ». La partie était loin d’être gagnée. En outre, j’entendais toujours autour de moi le bruit insupportable que faisaient les policiers allemands dans les pièces voisines. Ils cherchaient donc avec acharnement des preuves irréfutables de culpabilité. Armoires, placards, commodes, étaient mis sens dessus dessous et passés au crible. Tout à coup, Antoine Tortora entra brusquement dans le salon où je me trouvais aux prises avec Delage. Déçu de n’avoir rien trouvé d’intéressant, il déclara : «Pourtant, D. m’avait dit qu’il y avait ici des armes à feu et des grenades!» Cette révélation me fit dresser l’oreille, car D. alias Miage, était comme moi un officier de l’AS. Il avait dû être dénoncé et arrêté bien avant son chef le colonel Pétré. Peut-être même depuis plusieurs jours. Aussitôt, je pensais que sous les coups et les sévices des premiers interrogatoires, le malheureux avait fini par avouer n’importe quoi.

Antoine Totora commençait déjà à frapper sur les cloisons et à retourner tous les meubles, dans le but évident de découvrir enfin une cachette. Il risquait de tout casser et surtout de mettre la main sur quelques documents que, dans ma précipitation, j’avais oublié de camoufler. Ils étaient dissimulés dans une grande enveloppe collée sous la planche d’un tiroir du bureau où Delage était attablé. Alors spontanément, j’eus l’idée de lâcher un peu de lest, compte tenu des révélations catastrophiques de ce pauvre D. et que j’ignorais jusqu’à ce moment-là. Jouant ma comédie plus que jamais, j’ai fait semblant de ma rappeler que lorsque le gouvernement de Vichy avait procédé au ramassage des armes de toutes catégories, nous avions oublié de rendre un minuscule pistolet de calibre 6/35mm. Peut-être se trouvait-il encore dans la cave à charbon où nous l’avions jeté «pour ne pas avoir d’histoires». Antoine Tortora, abandonnant aussitôt ses recherches, me prit au mot et descendit avec moi à la cave. Là, j’allumais la bougie qui s’y trouvait et je me mis à remuer le charbon pendant un long moment afin de prouver ma bonne volonté. Et puis, tout d’un coup : «Tiens, je crois que c’est ça»! Je finis par trouver le fameux petit pistolet et je le tendis triomphalement à Antoine Tortora. Comme on peut s’en douter, je profitais de l’occasion pour enfoncer plus profondément dans le charbon les meilleures armes et leurs munitions.

Il devait être au moins trois heures de l’après-midi et je sentais qu’Antoine Tortora donnait des signes de lassitude du fait qu’il n’avait pas encore dîné. Il baillait tant qu’il pouvait. Il remonta dans l’appartement, content néanmoins de ramener quelque chose, alors que Delage se préparait à partir. Allait-il m’emmener avec lui? Visiblement non, car il commença à me faire un discours destiné à m’impressionner. C’était en quelque sorte le guerrier magnanime qui s’adressait au gamin plus à plaindre qu’à blâmer. Des conseils de prudence pour l’avenir, avec aussi des menaces. Il ne fallait surtout pas que je subisse l’influence néfaste des terroristes. Sans cela, on se trouverait fatalement dans l’obligation «d’attenter à ma jeune vie» sic. Donc, à bon entendeur, salut !

 

Et voilà! La partie semblait momentanément gagnée, du moins dans le sens où j’avais pu orienter la Gestapo pour limiter les dégâts. Malgré la surveillance dont j’étais l’objet, je n’avais pas tardé à transporter peu à peu les armes et les documents vers un endroit plus sûr, dans un quartier du vieux Marseille en attendant mieux. Mon oncle ne fut pas fusillé, comme il aurait pu l’être en tant que chef d’une organisation terroriste. Apparemment, on ne retint contre lui que la tentative de constituer un mouvement de Résistance au sein de l’amicale régimentaire dont il était le président.

 

Chapitre VI. La prison Saint-Pierre, la centrale de Fresnes,

le camp de Buchenwald

 

La prison Saint-Pierre de Marseille

 

Je m’étais vite aperçu que notre domicile était surveillé et qu’une filature discrète s’exerçait sur moi, dès que je mettais le nez dehors. Imperturbablement, je me rendais chaque semaine à la faculté des Lettres d’Aix-en-Provence, pour y écouter quelques conférences. Mais j’allais aussi à mon travail aux PTT de Marseille où j’avais obtenu une « situation d’attente », en ma qualité de prisonnier de guerre évadé. On disait alors «Rapatrié spécial», afin de ne pas éveiller les soupçons des collaborateurs. En outre, j’étais en possession d’un «vrai-faux Certificat de Démobilisation» daté de 1940, comme si je n’avais jamais été prisonnier de guerre. Le cas échéant, cela pouvait servir.

Toutefois, je gardais quand même le contact avec la Résistance, ne serait-ce que pour mettre en garde les maquisards qui auraient pu avoir l’imprudence de venir me voir. Sans cela, ils seraient tombés dans une classique souricière. Il convenait donc de faire le mort en apparence pendant un certain temps, avant de reprendre les armes. Mais cette situation ne m’empêchait pas de travailler pour les services de Renseignement militaires, qui se livraient efficacement à l’espionnage au profit des Forces alliées d’outre-mer. Nos rendez-vous étaient pris dans quelques vieilles maisons de la rue Sainte, à Marseille, dont les couloirs et les caves très sombres constituaient de véritables labyrinthes. On pouvait alors circuler d’une cave à l’autre et déboucher ainsi dans des rues différentes. Enfin, mon travail temporaire aux PTT me permit de faire disparaître, par centaines, des lettres de dénonciations que les bons Français du Maréchal Pétain adressaient à la Gestapo.

 

Etiquettes colis prison

Etiquettes des colis remis au siège de la Gestapo puis à la prison Saint Pierre par Pierre Duny-Pétré.

 

Dès l’arrestation de mon oncle, encouragé par l’excellent résultat obtenu en jouant au jeune homme studieux et sage, j’avais poussé la témérité jusqu’à aller me renseigner dans les services de la Gestapo, au n° 425 de la rue Paradis, sur le sort qui allait être réservé au capitaine Pétré. Il fallait battre le fer tant qu’il était chaud. C’est ainsi que tout bêtement, j’ai pu savoir qu’il allait être interné dans la prison Saint-Pierre à Marseille. Et par la même occasion, j’ai obtenu l’autorisation de le ravitailler en colis alimentaires, de lui faire parvenir du linge propre et de ramener son linge sale à la maison. Ce dernier détail fut très important pour nous. Car grâce à ce stratagème que je connaissais bien, j’ai pu échanger des messages avec lui, les documents étant dissimulés dans les doublures du linge de corps. Ce qui fait que, pendant plusieurs semaines, le colonel Pétré a pu rester en contact avec l’Armée Secrète, afin de donner des ordres et de régler les problèmes posés par sa disparition.

Le linge de corps qui entrait dans les prisons allemandes ou qui en sortait, subissait évidemment une fouille minutieuse. Toutes les doublures étaient écrasées entre les doigts du fouilleur, centimètre par centimètre, de façon à détecter les épaisseurs anormales et surtout afin de percevoir le bruit caractéristique de papier froissé qu’aurait pu produire un message écrit. Dans ces conditions, pour tromper l’ennemi, deux moyens ont été utilisés. Le premier par le résistant qui était en liberté, le second par le prisonnier

J’écrivais donc mon message sur un bout de tissu blanc, mince et souple, un morceau de mouchoir, à l’aide d’un crayon à encre. Il suffisait pour cela de mouiller préalablement l’étoffe et de la faire sécher après la rédaction. Ensuite, j’arrachais un bouton situé sur une doublure du vêtement propre, caleçon, tricot de peau, etc. Je cousais ce bouton à l’extrémité de mon bout de tissu. Puis je faisais passer celui-ci sous la doublure, bien à plat, grâce au petit trou ouvert à l’ancien emplacement du bouton. Au besoin, je pouvais aussi découdre et recoudre la doublure. Une fois ce travail terminé, le bouton cachait parfaitement le trou par lequel j’avais introduit le message. C’est ainsi que le prisonnier, en mettant sur lui le vêtement propre, tirait obligatoirement le bouton auquel était cousu le message.

Grâce à une minuscule mine de crayon, le colonel Pétré avait rédigé son message sur un morceau de papier hygiénique préalablement froissé, au point de n’être plus qu’un chiffon. Mais encore fallait-il que je découvre cet écrit la première fois que me fut remis le cageot plein de linge sale. Il devait sûrement y avoir une réponse cachée quelque part. Après avoir fouillé vainement les doublures et les ourlets du linge de corps, j’eus l’idée d’examiner aussi mon cageot, en long, en large et en travers. J’aperçus au milieu des éraflures du bois plusieurs lettres majuscules tracées grossièrement et en désordre, au moyen d’une pointe métallique, peut-être une agrafe arrachée parmi celles qui maintenaient entre elles les planches du cageot. Je pus lire l’inscription suivante en langue basque : azpiartean. Elle signifie : dans l’entrecuisse. Effectivement, un bout de papier écrasé et bien roulé, était dissimulé sous la doublure d’un caleçon, à la naissance des cuisses. Désormais, la communication était possible entre le colonel Pétré et moi.

Quant à la nourriture, je lui apportais périodiquement un grand cageot contenant des victuailles qui m’étaient fournies par B., un soldat du 141e RIA, ancien ordonnance du capitaine Pétré, qui était cultivateur à Cavaillon.

Faut-il ajouter que devant la prison Saint-Pierre, il y avait en permanence une délégation de la Gestapo, chargée de repérer les rares personnes qui avaient l’audace d’aider les captifs ? Mais je faisais sans doute partie des habitués, considérés comme inoffensifs ! Je n’étais pourtant pas le seul à m’aventurer ainsi. Il y avait toujours là deux jeunes filles du genre étudiantes et dont le dévouement fut absolument admirable à l’égard des malheureux détenus qui ne recevaient rien.

 

Embarquement pour Compiègne 2

 

Embarquement de prisonniers dans des wagons à bestiaux par l'armée allemande et des policiers français, à Marseille en 1943. Extrait du livre "Marseille 1942-1944, Le regard de l'occupant" par Ahlrich Meyer, Edition Temmem.

 

La prison centrale de Fresnes et Buchenwald

 

Finalement, ce fut le départ pour la prison centrale de Fresnes, près de Paris. Le séjour dans cette prison était extrêmement dangereux car c’est là que les Allemands prélevaient, au hasard, les otages qui devaient être fusillés pour venger les victimes des attentats terroristes. Heureusement, une demande providentielle de main d’œuvre, émanant de Berlin, parvint à la prison de Fresnes et mon oncle fut envoyé en Allemagne, au camp de Buchenwald, avec un grand nombre de prisonniers. « Heureusement » est une façon de parler…

Dès que le colonel Pétré se trouva en Allemagne, il fallut résoudre le problème de son ravitaillement en colis de nourriture et de vêtements chauds. Les PTT ainsi que les services de la Croix-Rouge me renseignèrent à ce sujet. Je devais d’abord attendre une lettre du déporté dans laquelle il me donnerait l’adresse exacte de son camp de concentration.

En ce qui concerne les lettres, mon oncle ne pouvait écrire qu’un message par mois. Le texte était obligatoirement rédigé en langue allemande. Depuis la France, il faudra répondre en allemand. A Buchenwald, un de ses compagnons d’infortune lui traduisait et lui écrivait ses lettres. A Marseille, un de mes camarades de la Résistance me rendait le même service.

Pour les colis, mon oncle n’avait droit qu’à un envoi mensuel. Mais les colis provenant de la France ne pouvaient être expédiés que depuis le territoire de l’ancienne zone occupée. Il fallait donc que j’adresse le ravitaillement à ma tante de Bayonne qui, de son côté, confectionnait le colis définitif. C’est grâce au dévouement d’un Basque, employé aux wagon-lits, que je faisais parvenir à Bayonne tout ce que je pouvais récolter à Marseille. La Croix-Rouge faisait aussi son possible pour ravitailler, tant bien que mal, les concentrationnaires. Il convenait d’adresser une demande à Paris, 21 rue Clément Marot, au Service des Internés civils, avec un mandat de 180 francs.

 

Chapitre VII. Le séjour du colonel Pétré en Allemagne

 

Le colonel Pétré n’a jamais voulu mettre par écrit ses souvenirs qu’il considérait comme affreux et qui lui «donnaient le cafard». Cependant, devant les questions que lui posaient souvent les membres de l’amicale, il a parfois consenti à parler, dans l’ambiance chaleureuse dont ses anciens soldats l’entouraient. C’est ainsi que l’on put entendre divers récits, illustrés de descriptions souvent hallucinantes.

 

En route vers Buchenwald

 

A la fin de janvier 1944, après un passage à Fresnes, ce fut le départ pour Compiègne. Dans un train de marchandises, nous étions 120 hommes par wagon, au lieu de 40. En plus, chacun avait ses bagages. Cela ne représentait pas grand chose, mais nous étions tous debout et serrés les uns contre les autres. Des gens de tous les âges et de tous les milieux sociaux. Près de moi, le beau-frère du général de Gaulle, un vieillard de 70 ans. A côté de lui, le vicaire général de Dax. Rien à manger, rien à boire et surtout le froid du mois de janvier.

Nous avions décidé de nous évader. Le wagon était fermé de l’extérieur. Mais certains d’entre nous avaient pu se procurer quelques petits outils pendant leur séjour dans les prisons françaises. Avec beaucoup de patience, nous avons fini par faire un trou dans la paroi du wagon, grâce auquel il fut possible d’arracher des planches. Parmi les candidats à l’évasion, nous avons tiré au sort l’ordre de sortie du wagon. J’avais le numéro onze et nous avons commencé aussitôt. Six sont passés successivement par l’ouverture, les jambes et le derrière d’abord. Ils se tenaient ensuite par les mains au dessus du vide, puis d’un seul coup, ils se lâchaient en se lançant en arrière. Mais le septième évadé qui s’engagea dans le trou, nous sembla agité par des convulsions incompréhensibles, tandis qu’il se laissait tomber dehors avec d’affreuses grimaces. Le bruit du train nous empêchait d’entendre ses cris. Que se passait-il? Depuis leur wagon de tête, les gardiens SS avaient vu la manœuvre et, par leur portière, «canardaient» notre malheureux camarade à coups de mitraillette. Il en a été ainsi pour le huitième et le neuvième. Le dixième a enfin compris et moi aussi avec tous les autres…

Ce n’était pas tout. Au cours d’un arrêt du train, la porte s’ouvre. Les SS sont là et tirent dans le tas. Leur chef fait ensuite descendre dix types. On l’entend crier en allemand : «Prenez des jeunes!» Ils les ont fait mettre complètement nus et les ont emmenés. On ne les a plus revus. Fusillés certainement. Et le train est reparti. Dans le wagon, pas de morts, mais des blessés. A la frontière allemande, nouvel arrêt. On nous fait quitter tous nos vêtements, nos chaussures et nos bagages. Il nous a fallu alors descendre et remonter dans un autre wagon où nous étions aussi serrés que dans le précédent. Et nous avons fait ainsi le reste du voyage. Deux jours et deux nuits. Toujours sans boire et sans manger. La soif surtout était terrible à supporter. Dans l’obscurité, il y avait des gars qui devenaient fous. Ils hurlaient et s’agitaient convulsivement en bousculant tout le monde. Ils se battaient avec ceux qui cherchaient à les calmer. Trois sont morts en pleine crise de folie furieuse.

 

L’accueil au camp

 

La gare d’arrivée était à 800 mètres du camp. On nous a fait descendre toujours à poil et pieds nus dans la neige. Dans cette tenue, il a fallu courir. C’était pendant la nuit du 29 au 30 janvier 1944. Les SS nous frappaient à coup de schlague, tandis que leurs chiens féroces hurlaient autour de nous et mordaient les trainards. Un de mes camarades, ayant reçu un coup de poing sur la figure, tout sonné qu’il était, eut le réflexe de le rendre. Mal lui en a pris : il n’a plus recommencé. Un coup de révolver l’a étendu mort sur place, pendant que les SS se tordaient de rire. On a de nouveau compris.

 

Entrée Buchenwald

La grille de l'entrée du camp de Buchenwald, portant l'inscription: "A chacun son dû".

 

Je revois très nettement notre entrée dans le camp. On nous a fait passer par divers baraquements, avant d’arriver aux douches. Nous n’avions pas à nous déshabiller. C’était fait depuis plusieurs jours. Mais ceux qui venaient des wagons où il n’y avait pas eu d’évasion, étaient dépouillés de tout ce qu’ils avaient. Les bijoux qu’ils possédaient, alliances, bagues, montres, étaient soigneusement déposés dans des enveloppes cachetées, avec leur nom. Inutile de dire qu’ils n’ont jamais revu ces enveloppes. Leurs vêtements étaient saisis, ainsi que leurs sacs ou leurs valises. Ceux de mon wagon n’avaient pas de souci à se faire… ils avaient déjà dû tout laisser dans le train.

Et nous sommes allés au salon de coiffure. Une baraque très propre, dans laquelle une vingtaine de coiffeurs, en blouse blanche, opéraient avec des tondeuses électriques. Nous avons appris, plus tard, que ces coiffeurs, déportés comme nous, étaient des planqués, pour la plupart Allemands, Tchèques, Polonais, « lèche-culs » et autres mouchards, prêts à tout accepter pour servir nos gardiens SS. Ils nous ont tondus de la tête aux pieds. En sortant de là, on nous a fait plonger dans un bassin d’eau mélangée à du crésyl. Cela piquait de partout, mais on ne se plaignait pas de ce souci de désinfection. Puis ce fut une longue douche très chaude. Nous crevions tellement de soif, que nous buvions cette eau à plein gosier ! Après ce nettoyage, toujours nus le long de couloirs glacés, il a fallu se rendre au magasin d’habillement. Nous avancions tous à la queue leu leu, devant des espèces de comptoirs où chacun a été gratifié d’une chemise, d’un caleçon, d’un pantalon et d’une veste. Le tout était bien propre mais en loques. Aux pieds, nous avions des sabots, ou plutôt des « claquettes. Une simple semelle de bois munie d’une bride : excellent pour avoir les pieds au chaud !

Quand nous nous sommes revus dans cet accoutrement, on ne se reconnaissait plus. Nous étions tous grotesques, pareils à des clochards. Ces vêtements étaient en réalité les haillons récupérés sur les prisonniers qui étaient morts avant nous. On ne gaspille rien chez les Boches ! Car il y avait dans ce magasin des milliers de chemises en belle percale blanche, toutes brodées de fleurettes multicolores, spécialité, disait-on des Juifs de Pologne, tous massacrés. Mais elles ne nous étaient pas destinées. Entre autres oripeaux, j’avais été doté d’une casquette à immense visière. Invraisemblable et comique ! Mais je lui garde une grande reconnaissance, parce qu’avec son énorme visière, elle m’a bien protégé contre les tempêtes de pluie et de neige.

 

L’installation

 

Enfin, nous avons été acheminés vers notre logement. Mais auparavant, il y eut un rassemblement à l’entrée du camp proprement dit. Ici, un intermède risible, malgré notre situation dramatique. Devant nous, un commandant du camp prit la parole solennellement pour nous lire le règlement auquel nous allions être soumis. Il n’en finit pas de nous énumérer les interdictions dont nous devions tenir compte. Puis il nous demanda un interprète français : «Dollmetscher!» Alors, dans nos rangs, poussé en avant par les autres « clochards », se détacha un camarade qui était professeur d’allemand «dans le civil». Il prit place à côté du Commandant et s’écria : «Cet espèce de con vient de vous détailler très longuement tout ce qu’il est interdit de faire ici. Il eut été plus simple et surtout plus rapide de vous indiquer ce qui est permis!» En deux phrases, il nous précisa les rares « libertés » dont nous pouvions « bénéficier ». Devant un pareil laconisme, on peut deviner la gueule ébahie que fit l’officier allemand.

En réalité, il existait à Buchenwald, deux camps séparés par des barbelés : le Grand Camp et le Petit Camp. Le second était destiné aux nouveaux arrivants. Nous y avons séjourné un certain temps, en quarantaine. Cela a duré environ trois semaines pendant lesquelles nous avons reçu une série de piqûres dites prophylactiques:  contre le typhus, la fièvre typhoïde, la diphtérie, etc. Les Allemands ne voulaient pas de malades. Ils nous prévenaient charitablement en nous disant : «Ici, il n’y a que des vivants et des morts». D’ailleurs, les plus anciens déportés nous apprenaient qu’à Buchenwald, on ne doit pas vivre au-delà de six mois. Si on ne crève pas avant ce délai fatidique, c’est qu’on mange trop ou qu’on ne travaille pas assez. On est donc un profiteur !

 

Lettre à Buchenwald 1 

 

Lettre à Buchenwald 2Lettre de Pierre Duny-Pétré (traduite en allemand) à son oncle Jean Pétré, déporté à Buchenwald.

 

J’ai toujours pensé que ces fameuses piqûres n’étaient que de la mise en scène et que nos vainqueurs n’allaient tout de même pas gaspiller des vaccins pour soigner des condamnés qui étaient destinés à mourir de toute façon. On devait sans doute nous inoculer de l’eau distillée, afin d’avoir l’air de bien faire les choses. Parce que le Boche veut toujours avoir l’air. Il se réserve ainsi un alibi, car chez lui, il y a là une précaution élémentaire qui a pour but de dégager sa responsabilité. Ainsi, quand vous crevez du typhus, c’est évidemment de votre faute, puisque vous avez été vacciné. Comme j’en ai vu mourir des centaines, soit-disant immunisés, je suis certain que ces vaccinations étaient de la frime. Mais l’alibi était là !

 

Le régime du camp

 

Le Petit camp n’avait que des baraques en bois. Le Grand camp en avait beaucoup en ciment. A l’intérieur, tout au long de ces bâtiments et de chaque côté d’un espace central, s’alignaient des bas-flancs de bois sur quatre étages, les premiers étant tout près du sol. Sur ces bas-flancs étaient posées des paillasses pourries, d’une saleté repoussante. Nous avions chacun une couverture abominablement puante de toutes les sueurs d’agonie des pauvres diables qui étaient morts entortillés dedans. Nous étions envahis par les puces. Jamais je n’aurais cru qu’on pouvait tant en avoir, au point qu’il était impossible de dormir. Elles nous dévoraient par bataillons entiers : dans les jambes, à la taille, sous les bras. C’était absolument intolérable. Pas moyen de s’en débarrasser car elles demeuraient dans le tissage des couvertures où elles étaient incrustées. Bien entendu, personne ne s’occupait de désinfection. Pourtant, en arrivant au camp, on nous avait si bien douchés, tondus et vaccinés, avec un souci évident de propreté et d’hygiène. Les Allemands avaient fait le geste, qui selon eux, devait les mettre à l’abri de toute accusation.

Une baraque s’appelait un blok. J’étais dans le blok 61. Au centre du local, se trouvait le logement du chef et de ses aides. Presque tous étaient des brutes épaisses, anciens condamnés de droit commun, pour la plupart Allemands, Polonais, Tchèques. Nous avions là de puissants personnages puisqu’ils avaient pratiquement droit de vie et de mort sur nous tous. Ils nous menaient à grands coups de trique, de poing et de pied, pour un rien ou simplement, pour le plaisir sadique de faire souffrir quelqu’un. Nous sentions qu’ils éprouvaient de la jalousie et prenaient visiblement leur revanche en nous rabaissant à l’état de bêtes méprisables et de cheptel humain. Ils rognaient à leur profit nos maigres rations de nourriture, ils étaient gros et gras, alors que nous crevions de faim. C’est nous qui étions les vrais bagnards.


Maquette block Buchenwald 2 crop

Maquette d'un block du camp de Buchenwald où fut enfermé le colonel Jean Pétré.

 

Lorsque j’ai été arrêté par la Gestapo, je supposais qu’on allait me fusiller ou que je serais condamné à être enfermé dans une forteresse. Jamais, je n’aurais imaginé qu’on oserait transformer en clochards des personnes honorables. Buchenwald était pire qu’un bagne. J’ai eu un jour pour camarade de travail un Allemand, ancien de la Légion Etrangère. Il avait écopé de quinze ans de travaux forcés pour un meurtre. La France l’avait envoyé à Cayenne. Rentré en Allemagne, après sa libération, il s’était à nouveau distingué en tuant une vieille dame pour la voler. Bref, ce n’était pas un enfant de chœur. Il racontait qu’en comparaison de Buchenwald, Cayenne représentait pour lui un paradis. Il avait toujours la nostalgie de la Guyanne. Les gardes-chiourme étaient, paraît-il, très humains et l’ambiance tout à fait sympathique.

Nous portions tous un écusson de toile sur le côté gauche de la poitrine. On pouvait y lire notre numéro matricule. Les déportés politiques avaient un écusson rouge. Les droits communs portaient un écusson vert. Les «raciaux» comme les Juifs, l’avaient jaune. Il existait aussi quelques objecteurs de conscience qui avaient refusé de se battre et qui portaient un écusson violet. Quant à ceux qu portaient l’écusson rose, on sait qu’il s’agissait des homosexuels.

 

Les distractions des SS

 

Le chef de blok était chargé d’exécuter à la lettre les ordres des SS. Celui de notre baraque se faisait aider par un jeune Polonais, élevé en France, fils d’un mineur du Nord et parlant très bien notre langue. Je ne sais pourquoi il se trouvait là, mais il se régalait à frapper les Français. On l’appelait Antoine. Si je le retrouvais, je lui ferais illico son affaire ! Un matin, je l’ai vu littéralement tuer le pauvre Docteur D. C’était un vieillard de 70 ans qui, très affaibli par la maladie, ne pouvait plus se rendre au sacro-saint appel. Le chef de blok qui trouvait que le Polonais ne frappait pas assez fort, est venu en renfort. Ils l’ont jeté au bas de sa paillasse et à grands coups de pied, ont achevé le malheureux.

 

Brassard nazi Buchenwald

 

Brassard nazi provenant du camp de Buchenwald.

 

L’appel représentait en effet une des distractions favorites des SS. Chassés de nos paillasses vers 4 heures du matin, nous devions nous rassembler dehors, en rang, par n’importe quel temps et attendre l’arrivée de nos tortionnaires SS qui ronflaient encore dans leurs logements confortables. Ils nous comptaient et nous recomptaient longuement, avant que nous puissions nous laver et nous rendre au travail. Tous les déportés devaient obligatoirement être présents à l’appel, même les morts qui étaient décédés dans la nuit. Les deux plus proches voisins du cadavre le portaient avec eux et le maintenaient debout sur les rangs. Après quoi, en route pour le four crématoire ! Cela sentait partout la merde et la charogne, avec finalement «l’odeur de cochon brûlé» qui se répandait dans le camp, lorsqu’une fumée âcre nous annonçait que certains d’entre nous avaient fini de souffrir.

 

Fil de fer barbelé Buchenwald 3

Fil de fer barbelé du crematorium du camp de Buchewald.

 

Ces salauds ne nous condamnaient pas à mort, mais ils faisaient en sorte de nous faire mourir à petit feu. Ils disposaient pour cela de moyens très simples. Par exemple, le matin, nous faisions notre toilette. Mais les lavabos se trouvaient à 300 mètres du blok et il faisait parfois quinze à vingt degrés au dessous de zéro. On nous jetait dehors avec une chemise sur le dos. Arrivés devant le local des lavabos, il fallait faire la queue en attendant que les gars de la baraque voisine aient terminé leur toilette. Souvent, nous attendions dehors plus d’une heure. Enfin, on avait le plaisir de pouvoir se laver à l’eau glacée. Bien entendu, nous ne disposions pas de serviette pour nous sécher et chacun s’essuyait avec sa chemise, avant de remettre celle-ci toute mouillée sur les épaules. C’était alors le retour vers la baraque. Mais elle était fermée, soi-disant pour nettoyage. Cela se traduisait par une heure de plus à passer dehors. Avec ce système, le pauvre type qui n’attrapait pas une bonne pneumonie était tout simplement un veinard.

Cependant, ceux qui tombaient malades pouvaient se rendre à la visite médicale. Mais les SS avaient tout prévu. Ils avaient imaginé un autre jeu. Après les épreuves du fameux appel matinal et de la toilette, les malades se rassemblaient dans un coin de la cour centrale où ils devaient attendre pendant plus d’une heure, avant qu’on ne les conduise à l’infirmerie. Il n’y avait pas de salle d’attente et les malheureux restaient dehors, le médecin n’étant pas encore arrivé. L’hiver, ils avaient les pieds dans la neige et restaient debout sous le vent glacé. Pour les plus faibles, la guérison était assurée : on les ramassait par terre, tremblants de fièvre et souvent à l’article de la mort.

Le froid est une des choses les plus pénibles à supporter. Mais l’addition du froid, de la faim et du manque de sommeil, représente un régime épouvantable. Elle aboutit à un épuisement qui s’accentue de jour en jour et qui conduit à la mort, sans souffrances violentes et précises. Cela est comparable à l’image d’une flamme qui s’éteint peu à peu faute de combustible. Avant d’arriver à ce stade de «délivrance indolore», il faut passer par un cheminement vers la mort qui est atroce à subir. Se voir partir, lentement, sans espoir, tout seul dans un coin, constitue un supplice. On ne meurt pas, on crève.

 

Lettre de Buchenwald 

Lettre de Jean Pétré déporté au camp de Buchenwald, à sa soeur et son beau-frère, Jeanne et Clément Haritschelhar à Bayonne.

 

On finit par perdre toute notion de dignité humaine. On n’est plus qu’une pauvre bête, dotée d’un simple tube digestif. Il faut avoir la volonté de ne pas se laisser aller, de résister avec un moral de fer. Sans quoi, on n’a plus la force de penser et de faire fonctionner ses facultés mentales. Dans une pareille situation, le moindre colis alimentaire prend une importance vitale. Un simple morceau de sucre permettait de tenir le coup pendant 24 heures. Il suffisait parfois d’un rien, au milieu de la détresse générale, pour retrouver le désir de vivre. Une lettre, un simple mot qui rappelle qu’on n’est pas abandonné au fond de cet enfer, une conversation rassurante avec un camarade miraculeusement optimiste, ou encore un «souvenir heureux dans un jour de malheur». Dans cet univers, le seul fait de revenir vivant représentait pour nous tous un véritable exploit.

 

Chapitre VIII. Le colonel Simon,

les combats de rue à Marseille

 

Le colonel Simon

 

Pendant ce temps, la résistance armée continuait à se battre dans toute la région du Sud-Est : « Ami, si tu tombes, un ami sort de l’ombre à ta place… ». Il convient de révéler ici que le colonel Pétré de l’Armée Secrète, était depuis fort longtemps l’ami inséparable du colonel Simon, alias Huitton dans la Résistance. Celui-ci, déjà capitaine de Réserve dans les troupes alpines, était dans le civil docteur en Droit et chef du Service départemental des travaux cadastraux. Lui aussi était combattant volontaire de la Résistance. Mais il commandait les FTPF (Francs tireurs et partisans français) qui avaient formé des maquis très importants dans toute la région. Or ces deux chefs avaient décidé de longue date, qu’en cas de disparition de l’un d’eux, les maquisards seraient récupérés par l’organisation survivante. C’est ce qui arriva à la suite de l’arrestation du colonel Pétré, notamment en ce qui me concerne.

 

204 Colonel Simon avant 1939

  Le colonel Henry Simon, avant 1939

 

Finalement, à la veille des derniers grands combats de la Libération, le colonel Simon se trouva seul à la tête des FFCI (Forces françaises combattantes de l’intérieur). Il avait donc sous son commandement les FTPF, les MOI (Mouvements ouvriers immigrés), les MP (Milices patriotiques), les CFL (Corps francs de la Libération), l’ORA (Organisation résistance de l’armée), ainsi que tous les rescapés de l’Armée secrète. Bref, tous ceux qui étaient prêts à combattre les forces allemandes, soit dans les montagnes, soit en pratiquant la guérilla urbaine.

Dans les derniers jours du mois d’août 1944, c’est grâce au colonel Simon dont les « terroristes » descendus des maquis entraînèrent avec eux la jeunesse marseillaise, que les Allemands furent chassés du centre de la ville et que le grand port de la Joliette échappa ainsi à un anéantissement total. Cet officier, en récompense des services extraordinaires qu’il rendit aux Alliés, fut nommé Commandeur de la Légion d’Honneur. Le général de Gaulle lui décerna le titre de Compagnon de la Libération.

 

Les combats de rue du 21 au 28 août 1944

 

Comment fut réalisé un pareil exploit? Pendant plusieurs jours, les combats de rue ont fait rage grâce à nos barricades élevées le long des principales artères de Marseille. Nous barrions ainsi le passage aux renforts ennemis qui se dirigeaient en toute hâte vers la Côte d’Azur où les Alliés venaient de débarquer. On assista alors à la déroute de l’armée hitlérienne. Complètement désorganisés par notre harcèlement meurtrier, les Allemands étaient attaqués de tout part et nous interceptions alors beaucoup de convois chargés d’armes et de munitions. Grâce à ce butin providentiel, nous étions finalement armés jusqu’aux dents. Quelle revanche ! A présent, nous pouvions dire que le colonel Pétré était vengé.

De plus en plus paniqués par le caractère inopiné de nos attaques au cours desquelles l’improvisation était souvent la règle, les soldats ennemis n’osaient pas se rendre aux «terroristes» que nous étions pour eux. Ils s’attendaient sans doute à ce que nous leur fassions subir le même sort que leurs Waffen SS réservaient habituellement à nos malheureux camarades capturés en se battant : les tortures les plus épouvantables, suivies de la fusillade ou de la pendaison. Aussi, se jetaient-ils littéralement dans les bras de «vrais militaires en uniforme» débarqués sur la côte provençale et qui étaient déjà aux portes de Marseille. En somme, nous faisions désormais office d’épouvantail ! Je revois encore un groupe prisonniers allemands, se mettre à genoux devant nous pour implorer notre clémence, alors qu’on se contentait de les désarmer et de les enfermer provisoirement dans les caves de la Préfecture.

 

Chapitre IX. Le retour du colonel Pétré

 

1ere lettre libre enveloppe

 

1ere lettre libre

Première lettre du 4 avril 1945 de Jean Pétré à Buchenwald annonçant qu'il est vivant et lettre d'accompagnement du capitaine Paul Duchène. Courrier reçu à Bayonne par sa soeur Jeanne et son beau-frère Clément Haritschelhar.

 

Dès le mois d’avril 1945, nous eûmes des nouvelles du colonel Pétré. Il n’était pas mort ! Il «résidait» dans un «kommando» de travailleurs du camp de Buchenwald. L’offensive alliée progressait à toute allure, Américains et Russes voulant gagner le plus de territoire possible en Allemagne. Une patrouille motorisée américaine s’étant aventurée par hasard aux abords de l’enceinte fortifiée, provoqua un grand affolement parmi les SS du camp. C’est alors que, profitant de cette occasion imprévue, le colonel Pétré retrouva aussitôt sa place à la tête d’une poignée d’hommes encore valides, véritables squelettes vivants qui se révoltèrent contre leurs gardiens déjà tremblants de peur. Quelques sentinelles furent bientôt neutralisées et grâce aux armes récupérées dans la bagarre, les déportés ouvrirent un passage à leurs libérateurs.

Parmi les déportés, se trouvaient deux Basques, anciens maquisards et auparavant armuriers ayant combattu Franco dans le camp républicain : il s’agissait des deux frères Elosegi, dont les SS utilisèrent les compétences pour entretenir leur matériel de guerre. Les deux Basques profitèrent de cette situation inespérée pour « réformer » des armes à feu et dérober des pièces détachées et des munitions. Ils réalisèrent ainsi un petit arsenal clandestin, camouflé dans plusieurs parties du camp. Dès l’avance des troupes alliées, ces armes furent également distribuées parmi les captifs les plus solides.

Mon oncle fut immédiatement pris en charge par l’US Army. Adopté par les officiers américains, on ne l’appelait plus que «the French colonel», car il avait revêtu un uniforme flambant neuf et doté d’une jeep avec un chauffeur. Il s’occupa en priorité du rapatriement des malades, parmi lesquels le typhus faisait des ravages. Il ne rentra en France qu’avec le dernier convoi, le 26 avril 1945. Mais déjà tous les journaux de Marseille avaient donné de ses nouvelles, car la presse était informée de la libération du camp de Buchenwald et notre colonel faisait désormais partie de la légende.

Cependant, dans quel état allait-on le trouver? De nombreux télégrammes s’étaient succédé depuis plusieurs jours dans la presse libérée pour annoncer l’arrivée imminent du train de déportés qui ramenait le colonel Pétré. Finalement, le 26 avril à 22h 45, un convoi entra dans la gare Saint-Charles, tandis que la foule chantait La Marseillaise. Bientôt, ce ne fut qu’un cri : «Le voilà!». Il était là en effet, dans son uniforme américain, fatigué, amaigri et la tête encore rasée par les coiffeurs nazis. Au milieu des acclamations, il fut aussitôt emporté dans un tourbillon par ses anciens soldats, par ses amis et par le journaliste qui lui posaient mille questions. Il répondait alors à tous qu’il n’avait pas encore la force de leur faire des discours, mais que pour l’instant, il gardait en lui une impression d’immense horreur, car personne, disait-il, ne pouvait imaginer ce qu’était la vie, ou plutôt la mort, dans un camp de concentration hitlérien.

Puis il ajoutait en souriant, avec son éternel optimisme : «Oui, c’était l’enfer, avec toutes ses atrocités physiques et morales. Mais quand même, ça valait le coup d’œil!»

 

Dessin Buchenwald

Dessin d'un prisonnier au camp de Buchenwald

 

 

ttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttttt

 

Il crie enfoncez vos pelles plus profond dans la croûte de la terre vous autres chantez et jouez

Il se saisit du fer à sa ceinture il l'agite; ses yeux sont bleus

Vous là enfoncez plus les bêches vous autres jouez encore jusqu'à la danse

 

Paul Celan, Fugue de mort

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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 20:39

Archives de

l’Armée Secrète


(AS)

Région du Sud-Est


Tome 1


L’infaillible nouvelle nature d’une race de monstres a pris sa place parmi les mortels.

Plus contagieuse que l’inondation, la chose court le monde,

reconnaissant et annexant les siens.

Cependant au cœur de notre brouillard,

une poignée de jeunes êtres part à l’assaut de l’impossible.

René Char

Dominique Corticchiato,

Pauvreté et privilège, 1946

 

D

ocuments en possession du Lt-Colonel Jean-Baptiste Pétré, chef régional de l’AS, région du Sud-Est R2, arrêté par la Gestapo le 4 juillet 1943, puis incarcéré et déporté au camp de Buchenwald de 1943 à 1945. Ces documents ont été cachés puis conservés par son neveu Pierre Duny-Pétré.

 Le Lt-Colonel Jean-Baptiste Pétré, né le 27 octobre 1896, est décédé dans sa ville natale à Saint-Jean-Pied-de-Port le 7 avril 1959. Sa biographie a été publiée par l’Amicale des Anciens du 141e RIA. Elle est aujourd’hui disponible à l’adresse internet suivante http://colonel.petre.resistance.marseille.over-blog.com.
Un bref résumé de son action se trouve dans le mémoire de proposition pour Chevalier de la Légion d’honneur, document n°51 du dossier «Colonel Pétré après-guerre, grades, décorations». Tous les documents indiqués et décrits ci-dessous se trouvent au domicile de Mme Jeanne Duny-Pétré, Hegitoa, Eiheraberri auzoa, 4, Uluntzeko bidia, 64220 Donibane Garazi. Tél : 05.59.37.04.91. Ce travail de compilation a été réalisé par Arnaud Duny-Pétré, filleul du colonel Pétré, à Bayonne, Tél : 05.59.59.37.64. arnaud.duny-petre@laposte.net.


Présentation succinte

Ces 214 documents sont présentés dans l’ordre dans lequel nous les avons trouvés. L’immense majorité de ceux qui portent une date indiquent l’année 1943 et bien entendu, tous sont antérieurs à la date d’arrestation du colonel Pétré. Leur nombre relativement restreint s’explique sans doute par les règles élémentaires de la clandestinité. On imagine mal un chef régional de l’AS conserver à son domicile un stock de documents compromettants pour lui-même et son réseau. Ces archives étaient classées dans différentes chemises portant des références manuscrites de la main de mon parrain, le colonel Pétré, ou de la main de mon père, Pierre Duny-Pétré. La dimension des documents est très diverse, de quelques cm2 à quatre pages et plus. Ils se répartissent en plusieurs catégories :

1- Les messages internes de l’AS : du n° 3 au n° 77, puis n° 175.

2- Des messages dénonçant des traîtres : du n° 78 au n° 110.

3- Effectifs de bataillons de plusieurs régiments : du n° 111 au n° 126.

4- Instructions et objectifs: n° 1, n° 5, n° 33, du n° 127 au n° 145 et n° 168 à n° 174.

5- Etat des véhicules de transport : n° 146 au n° 163.

6- Fabrication de faux documents : n° 2, n° 144, du n° 177 au n° 181.

7- Informations générales : n° 13, n° 166.

8- Documents annexe ne faisant pas partie des archives de l’AS, mais liés à la période ou à la compréhension de l’ensemble : n° 189 à 214.

 

Présentation : 1- Numéro d’ordre ; 2- Auteur ; 3- Titre, et/ou contenu ; 4- Date ; 5- Support : nombre de pages, nature et couleur du papier, manuscrit, tapé à la machine ronéotypé, imprimé, format, état (piqué, déchiré, etc.). Un nom propre suivi d’un point d’interrogation entre parenthèses, signifie qu’il y a un doute quant à l’orthographe de ce nom. Le classeur 1 contient les documents du n° 1 au n° 126. Le classeur 2, la suite.

 

Liste des documents et leur contenu

1-                 Ecole spéciale militaire et Ecole militaire de l’infanterie. Exercice pratique n°5, maintien de l’ordre, combat de rues, accompagné du plan d’un quartier d’Aix-en-Provence (format 35 cm x 41 cm), avec notations manuscrites en rouge et d’une feuille volante de légendes. Date : «1940-1942, 2ème année». Document imprimé de 6 pages, format 22 cm x 28 cm. Rangé dans le classeur des documents de grand format.

2- Carte d’identité avec timbre fiscal, photo, tampons de la Police nationale de Marseille avec Francisque et signature du «Commissaire de police». Les parties concernant le nom, l’adresse, le signalement et l’empreinte digitale, etc. sont vierges. Datée du 9 mars 1943. Carton épais, imprimé, dos imprimé de décor fleuri en rouge, format 120 mm x 153 mm.

2 Carte d'identité vierge

3- Message de Memphis kkkI, AS des Mouvements de résistance Unis, Chef de ville AS à tous. L’AS n’est pas un bureau de bienfaisance, elle refuse d’accorder des aides aux familles des commandos. Signé Maurel. Daté du le 9 avril 1943. Feuillet de papier pelure blanc, tapé à la machine, format 205 mm x 170 mm.

4- 2ème bureau AS à M. Le Commandant de la Place de Marseille. Arrestation de Maurel suite à une trahison, mesures de sécurité à prendre. Signé Aubert. Feuille blanche tapée à la machine, format 210 mm x 270 mm.

5- Plan manuscrit de la région de Forcalquier et Sigonce. Indication d’un itinéraire en rouge avec légende. Papier calque, format 175 mm x 195 mm. Deuxième document lié au précédent : indication sur l’itinéraire à suivre par l’intéressé écrit à la main à l’encre bleu sur un feuillet papier vert. Format 208 mm x 135 mm.

5 Message carte manuscrit

5bis carte manuscrrite

6- Lettre de Aicard, ex-chef départemental adjoint, un des fondateurs de l’AS à Marseille. Evoque les arrestations massives depuis le 25 avril, le sentiment d’abandon et un malaise au sein de l’AS, suite à l’attitude des dirigeants nationaux et régionaux. Demande l’envoi à Marseille d’une personnalité pour assainir la situation. Feuillet blanc tapé à la machine, papier piqué, format 210 mm x 135 mm.

6 Lettre Aicard

7- Liste de 17 noms avec indications codées et parfois noms de rues. Feuille blanche jaunie, manuscrite au crayon, format 210 mm x 250 mm.

8- Liste de 10 noms et adresses avec indications codées. Au verso schéma de type organigramme avec chiffres. Feuille blanche manuscrite à l’encre et au crayon, format 150 mm x 205 mm.

 9- Demande de rendez-vous de la part de Busticaccia. Message codé au verso. Manuscrit au crayon sur papier à en-tête du bar-brasserie-restaurant Noailles à Marseille, format 134 mm x 210 mm.

10- Information avec adresse et origine, de la part de Faraud. Feuillet de papier blanc écrit au crayon, format 100 mm x 160 mm.

11- Liste de huit noms sur feuillet de papier pelure blanc écrit au crayon, format 88 m x 212 mm.

12- Message avec nom et adresse. Feuillet de papier blanc écrit au crayon, format 155 mm X 105 mm.

 13- Bureau de presse de la presse combattante, Bulletin d’informations générales n° 132 du 2 août 1943. Actualité militaire et politique en France et dans le monde : dossier sur la situation en Italie et la chute de Mussolini, Message du Conseil national de la Résistance à Alger, l’Angleterre et la reconnaissance du comité d’Alger, la situation au Maroc, un hebdomadaire communiste à Alger, la déportation de la jeunesse française, l’Alsace sous le joug, le comité d’action anti-bolchévique fait appel au grand patronat, etc. Ensemble de 10 feuilles blanches ronéotypées recto-verso, format 210 mm x 270 mm.

14- Lettre de Aicard qui remet vivement en cause le rôle du ROP et revendique son rôle d’adjoint au département Marseille : il reproche au ROP de débaucher des hommes appartenant à un régiment. Demande une réunion avec Gaspard, Crouzet et le destinataire de la lettre. Evoque des représailles possibles à l’encontre des responsables. Deux feuilles de papier pelure blanc piqué, tapées à la machine, format 203 mm x 265 mm.

14 Lettre Aicard

14bis Lettre Aicard

15- Rapport des chefs de bataillons et du commandant de la CHR du 3e régiment des FFC de Marseille, adressé à l’état-major des FFC, sous couvert du chef du 3ème régiment. Signé par César, Gloria, Le Houx et Napoléon. Porte sur l’état d’esprit du régiment, il évoque le malaise des troupes, les dissensions du commandement, se plaignent d’être dépourvus de directives, de liaison avec d’autres corps et sans armes. Demande de emplacement de dépôts d’armes, la nomination de cadres supérieurs décidés à demeurer eu milieu de leurs troupes, la définition du secteur du régiment et la connaissance des corps ou éléments qui l’entourent. Daté du 8 février 1943 (?). Trois feuilles de papier pelure de couleur jaune, tapées à la machine, format 210 mm x 270 mm.

15 Rapport Etat d'esprit du régiment

15bis Rapport Etat d'esprit du régiment

15ter Rapport état d'esprit du régiment

Chemise «courrier reçu»

16- Message de Maurel à tous. Il indique qu’il s’absente quelques jours et que son adjoint Aicard le remplace. Daté du 23 avril 1943. Feuillet sur papier pelure blanc tapé à la machine, format 210 mm x 120 mm.

17- Message de Maurel à Aicard. Il demande à propos des commandos que «notre attitude soit ferme, malgré l’opinion de Manuel». Daté du 25 avril 1943. Feuillet sur papier pelure blanc tapé à la machine, format 210 mm x 110 mm.

18- Message de Maurel à Aicard. Rappel de rendez-vous au 6 rue d’Anvers au 3ème étage avec le NAP. Daté du 20 avril 1943. Feuillet sur papier pelure blanc tapé à la machine, format 210 mm x 145 mm.
19- Message de Jérôme à Maurel. Fixe un rendez-vous avec «votre chef du 3ème bureau. Nous fixerons en présence de Manuel le remplacement de nos maquis». Daté du 27 avril 1943. Feuillet de papier blanc, manuscrit à l’encre bleu, format 105 mm x 120 mm. Enveloppe jointe.

19 Message de Jérôme à Maurel

20- Message de Lenormand à Maurel. Demande de «faire le nécessaire auprès de ces deux personnes qui désirent rentrer dans notre société : André Didier et Roger Casa», suivi de leurs adresses. Feuillet de éphéméride de papier blanc manuscrit recto-verso au crayon, format 125 mm x 88 mm. Enveloppe jointe.
21- Annotations sur les «objectifs civils de chaque bataillon pour collecter les renseignements d’ordre politique et militaire, administrations, usines, évacuations, points de chute de bombardements, projectiles », etc. Feuillet de papier blanc manuscrit au crayon et à l’encre rouge, format 110 mm x 135 mm.

22- Message de Victor adressé à Herbet ou Erbé. L’auteur demande une adresse pour héberger son fils à la campagne et le protéger des bombardements. Feuillet de papier blanc manuscrit recto-verso à l’encre violette, format 110 mm x 105 mm.

23- Dessin à l’encre du panneton d’une clef de face et de profil, apparemment pour réaliser un double. Feuillet de papier blanc, format 135 mm x 195 mm.

23 Dessin clef

24- Message de Braux fixant un rendez-vous. Noms cités : Sanfoin (?), Mlle René. Feuillet de papier blanc manuscrit à l’encre bleu, format 75 mm x 160 mm.

25- Message signé Gervais «pour le Comité directeur » et adressé à Neuville, Camile, Morel, Bresse, Auclair et Daniel. Le comité directeur des Mouvements Unis à tous les chefs de région, demande que soient communiqués des résultats des opérations réussies : destructions ferroviaires, saisies d’armes, représailles contre les kollaborateurs et leurs biens, évasions, lutte contre la déportation : nombre d’hommes planqués, groupes de réfractaires, agitations émeutes, grèves, tracts locaux. Le document indique qu’aux yeux des Nations Unies, la Résistance française passe pour avoir plus de préoccupations politiques que militaires et que cela freine le soutien reçu de l’extérieur. Daté du 1er avril 1943. Annotation manuscrite « Tous » de Jean Pétré. Papier pelure blanc tapé à la machine, format 210 mm x 150 mm. Deuxième document ayant un contenu identique sur papier pelure blanc, destinataires Aicard, Morvan, Braux, Thierry, Aubert, Chardon, format 210  mm x 270 mm.

25 Message de Gervais

25bis Message de Gervais

26- Message signé Bresse et adressé à tous les chefs de services régionaux et tous les chefs de départements, Lamy, Gaspard, Elisabeth, Gauthier, Neuville, Lenormand, Morel, Narcisse, Nénuphar, Azalée, Anémone, Magnolia et Tulipe. Demande de compte-rendu financier mensuel à transmettre au centre régional. Daté du 25 mars 1943. Papier pelure blanc tapé à la machine, format 210 mm x 150 mm.

26 Message de Bresse
27- Message demandant de collecter tous les emplacements militaires (batteries, projecteurs, dépôts de munitions) du quartier de l’Estaque, ainsi que les bâtiments réquisitionnés par les Allemands avec leurs effectifs. Suivi d’une liste de rues à visiter. Papier pelure jaune tapé à la machine, format 210 mm x 140 mm.

27- Message semblable au précédent concernant les quartiers de la Gavotte et du Moulin du diable.
28- Message semblable au précédent concernant les quartiers du Verduron, la Pellouque, les Dévots et le Vallon.

29- Message semblable au précédent concernant les quartiers de Saint-Henri et Mourepiane.

30- Note de frais signée Sainfoin de 1244 francs sur un déplacement du 5 au 8 avril 1943 à Auch, pour rendez-vous avec Delmarche (R 2). Manuscrit à l’encre bleu sur papier pelure blanc, format 210 mm x 115 mm.

Chemise «courrier à expédier»

31- Feuillet indiquant différents noms et adresses, Adrien Fayet chef dénonciateur, Esquiés en liaison avec policier allemand, André Betnadon (?) très dangereux, Tourbe (?), reçoit des messages radio.Manuscrit au crayon sur enveloppe bleutée, format 115 mm x 145 mm.

32- Annotations comportant des lettres et des mots («littoral» ou «organisé»), un schéma. Les éléments semblent volontairement codés ou peu signifiants. Manuscrit au crayon sur enveloppe bleutée, format 115 mm x 145 mm.

33- Annotations divisées en deux parties évoquant une opération de bombardement, évacuation et regroupement, ce que doit faire l’E.M. de l’A.S. en cas de débarquement. Manuscrit au crayon, recto-verso, sur enveloppe bleutée, format 115 mm x 145 mm.

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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 20:38
Chemise «2ème »

34- Annotations codées sur la chemise.

 

35- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa. Arrestation par la Gestapo de nombreux otages israélites dont le fils du professeur Olmer de la Faculté de médecine. Daté du 22 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 80 mm.

35 Arrestations Gestapo

   

36- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa ZZZ. Compte-rendu de l’alerte du 14 avril 1943, usine de Saint-Auban, relevé de copie adressé au préfet. Daté du 22 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 135 mm.

 

 37- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa. Compte-rendu de sabotage d’un train de marchandise qui a pris trois jours de retard, transportant 120 tonnes de magnésium et 230 tonnes d’alumine à destination de l’Allemagne. Daté du 22 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 48 mm.

 

38- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa ZZZ. Production de l’usine AO Saint-Auban en mars 1943 : tonnage d’alumine, d’ammoniac et de magnésium. Daté du 22 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 71 mm.

38 Production usine AO de Saint Auban

 

39- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa. Moyens mis en oeuvre par les Allemands pour pallier à la carence de médecins, du fait de la perte de 60 médecins par jour sur le front de l’Est. Le Reich en demande 6730 à la France. Médecins prisonniers et étudiants en médecinesont sollicités. Daté du 22 avril 1943. Annotation «Aicard et Molinier», de la main de Jean Pétré. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 220 mm. Deuxième document quasiment identique, sur papier pelure blanc.

39 Relève médecins 

 

40- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa. Compte-rendu du déraillement d’un train de 40 wagons contenant 756 tonnes de marchandise, le 18 avril 1943, sur la ligne l’Estaque Marseille-Arenc. Daté du 22 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 185 mm.

 

41- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa. Résumé des consignes données à la presse par le gouvernement : censure concernant les associations de mutilés et d’anciens combattants, le suicide du général Mordacq, les inscriptions murales faites à Aubenas, un sabotage de voie ferrée dans l’Hérault, la parution de lois sur des syndicats, la zone réservée des Pyrénées. Compte-rendu d’un grave conflit au sein de l’administration régionale sur la distribution à la population de 20.000 tonnes de pommes de terre allemandes. Daté du 22 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 270 mm.

 

42- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa. Difficulté pour l’AS d’obtenir des informations sur leurs travaux de la part des ouvriers travaillant à la défense côtière et largement payés par les Allemands. Daté du 22 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 55 mm.

 

43- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-ZZZ. Indications techniques sur la neutralisation de la base d’Istres par bombardement. Daté du 22 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 50 mm.

43 Neutralisation base d'Istres

 

44- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa. Arrivée de 8000 hommes des troupes alpines italiennes, ils déménagent les armes automatiques (6000 mitrailleuses) stockées à Digne par l’armée française après sa dissolution. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 80 mm.

 

44 Huit mille sodats italiens

 

45- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-Memphis ggg-Memphis a 1. Copie d’une lettre de la SNCF portant sur la création d’une nouvelle ligne de démarcation et les aménagements nécessaires pour l’intervention de la douane allemande : lieu et durée des stationnements. Destinataires (de la main du colonel Pétré) : Aicard, Morvan, Braux, Thierry, Chardon, Aubert, Raymond. Daté du 21 avril 1943. Papier pelure bleu recto-verso, tapé à la machine, format 210 mm x 270 mm. Copie quasiment identique de ce document, sur papier pelure blanc en deux feuilles.

45 Ligne démarcation

45bis Ligne démarcation 

 

46- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa ZZZ, daté du 21 avril 1943. Construction de chalands de débarquement, avec leurs caractéristiques techniques, aux chantiers de la Ciotat. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 55 mm.

46 Construction chalands débarquement 

 

47- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-ZZZ. Nouvelles installations de DCA installées par les Allemands auprès des Acieries du Nord. Daté du 21 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 65 mm.

 

48- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa. Information provenant d’un ministre plénipotentiaire, sur la population de Munich qui se révolte contre les difficultés de vie et les bombardements. Deuxième document identique signé Maurel. Daté du 21 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 55 mm.

 

49- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-ZZZ. Difficultés rencontrées par les Allemands dans la construction de la base sous-marine du Cap Janet. Elle serait transformée an abri pour bateaux légers. Daté du 21 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 100 mm.

49 Base sous-marine Cap Janet 

 

50- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa. Baisse de 40 % dans l’attribution de l’essence pour le mois de mai dans les Bouches-du-Rhône. Daté du 21 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 45 mm.

 

51- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa, Memphis ggg. A la gare Saint Charles, préparation pour les Allemands de 52 trains de 30 wagons à destination de l’Italie. Daté du 21 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 60 mm.

 

52- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa Ulysse. Selon un ministre plénipotentiaire (sous réserve), les Italiens auraient refusé de mettre leurs bateaux à la disposition des Allemands, pour sauver l’armée de Rommel, de crainte d’être détruits par l’aviation anglaise. Daté du 21 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 60 mm. Deuxième document identique sur papier pelure blanc.

 

53- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa, Memphis ggg. Information sur les heures quotidiennes de départ d’un train de permissionnaires allemands partant de la gare Saint Charles. Daté du 21 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 45 mm.

 

54- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-ZZZ. Une centaine de gros porteurs de troupes sont au montage à la base d’Istres. Indication sur le camouflage de la piste des grands raids, les autres pistes étant défoncées par des tranchées pour interdire tout atterrissage. Daté du 20 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 100 mm.

54 Base Istres gros porteurs 

 

55- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-ZZZ. Information sur trois gros paquebots à mazout à Berre. Daté du 20 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 40 mm.

 

56- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-ZZZ. Informations sur les chantiers navals de Provence fabriquant des panneaux pour sous-marins, ainsi que sur l’entreprise Grantot. Daté du 20 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 48 mm.

56 Panneaux sous-marins 

 

57- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-ZZZ. Fabrication d’avions de transport pour les Allemands par l’entreprise aéronautique SNCASE de Marseille. Daté du 20 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 65 mm.

 

58- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-Memphis rl. Doublage par les Allemands des effectifs des marins-pompiers de Marseille. Daté du 20 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 32 mm.

 

59- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-ZZZ. Pièces de rechange de sous-marin allemand entreposées au Hangar 7 du port. Le Pascagel, chasseur de sous-marin, est à quai dans ce hangar. Daté du 20 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 52 mm.

 

60- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-zzz. Transformation de chalutiers français en bateaux de DCA, au bassin de carénage de Marseille, en retrait du Vieux Port. Daté du 20 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 65 mm. Deuxième message sur papier pelure bleu avec précisions supplémentaires.

 

61- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa. Mesures allemandes prises pour le lancement du paquebot Maréchal Pétain aux chantiers navals de La Ciotat ; «nous travaillons à retarder l’achèvement du paquebot» Daté du 24 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 80 mm.

 

62- Message de Memphis kkk1, signé Maurel. AS des Mouvements de Résistance Unis, Communication d’une adresse : Faraud, de la part de Foray. Daté du 9 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 128 mm.

 

63- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa. Incident concernant Ribière, préfet de Nice. Des ménagères manifestent le 11 avril au sujet du détournement de farine et de croissants au profit de préfet. Celui-ci sent le vent tourner et envisage de se retirer. Daté du 23 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 85 mm.

63 Manifestation ménagères 11 avril 1943 

 

64- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa. Arrivée dans le port de gros bateaux de guerre italiens. Daté du 22 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 52 mm.

 

65- Note N° 2, contient la synthèse de nombreuses informations à caractère militaire : arrivée d’avions, de sous-marins, installations de cinq batteries 305 au Frioul, attentat, mouvements de jeunes Hitlériens, mouvements militaires à la frontière espagnole, arrestation par la Gestapo de Marot, inspecteur principal des poudres, projet de construction d’un abri maritime à Mourepiane et embauche de 2500 ouvriers, rafles d’Israélites à Marseille, plan du siège de l’état-major allemand. Daté du 18 mars 1943. Trois feuilles de papier pelure blanc, tapées à la machine, format 210 mm x 270 mm.

 65 Informations militaires

65bis Informations militaires

65ter Informations militaires

 

66- Message de Braux à Aicard. Demande de certificats de réforme allemands pour le compte de cinq personnes avec noms, dates et lieux de naissance, adresses. Question de cartes d’alimentation pour les commandos. Demande remboursement de frais. Demande de plusieurs doubles de clefs des kiosques des tramways. Daté du 28 avril 1943. Papier blanc manuscrit au crayon, de format 210 mm x 270 mm.

 

67- Message sur constructions militaires (ponts derrière St Henri) avec plan et mouvements de troupes dans la région de Marignane et de St Henri, 600 ouvriers à la base sous-marine en construction au cap St Junet. Papier pelure blanc, manuscrit au crayon, format 135 mm x 210 mm.

 

68- Message difficilement lisible, informations à caractère militaire. Papier blanc manuscrit à l’encre bleu, format 100 mm x 150 mm.

 

69- Copie de document SNCF région du Sud-Est, transmise par Memphis mmm à Ulysse et

Memphis aaa. Plan de transport allemand pour le mois d’avril 1943 : transports de l’Allemagne sur la France, transports de France et d’Espagne sur l’Allemagne, Transports entre pays occupés, trafic intérieur français. Nature des marchandises, régions d’origine et destinations, tonnages, observations. Daté du 8 avril 1943. Huit feuilles recto sur papier pelure bleu, tapées à la machine, format 210 mm x 270 mm.

69 Transport SNCF Allemagne France    

 

70- Message de SR Memphis à SR Memphis 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, kkk Memphis. En double exemplaire, demande de renseignements du centre national. Treize questions posées sur les sujets suivants (début de réponses manuscrites à l’encre rouge): division SS, quartier général de flotte aérienne, aérodromes et leur activité ainsi que leurs liaisons téléphoniques, dépôts d’essence et leurs moyens de défense, dépôts d’armes clandestins, déplacements de troupes, liste de questions à tous les partants pour l’Allemagne et les permissionnaires, la fabrication des gaz de guerre, l’adresse d’un bureau de recrutement d’Alger, questionnaire pour un médecin en partance pour l’Allemagne, un agent italien assurant la liaison Paris-Côte d’Azur, informations sur les ports, les abris sous-marins, l’état d’esprit des personnels. Daté du 14 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 215 mm x 220 mm.

70 Demande renseignements centre national

 

71- Feuillet présentant quelques réponses, sujets abordés : travaux défensifs, visite d’Etat-major allemand, 14 Allemands réfractaires fusillés, recrutements de jeunes gens. Papier blanc, manuscrit à l’encre bleu, format 90 mm x 150 mm.

 

72- Message de SR Memphis à Memphis 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, kkk Memphis. Liste de 27 questions à l’intention de personnes partant pour l’Allemagne. Sujets : nature du tissus d’imperméables ressemblant à du caoutchouc. Nature du savon des voyageurs des pays neutres se rendant en Allemagne. Appareils et matériels photographiques. Rations alimentaires. Papier, relieurs et cuir. Matière utilisée pour remplacer les vitres cassées par les bombardements. Matériel utilisé pour le black-out. Usage du papier dans les tissus. Vêtements d’hiver fourrés. Souliers à semelles de bois renforcées. Vêtements en beaux de moutons. Personnes réfugiées logées dans des barques en bois. Distribution du bois à brûler. Matériaux utilisés pour le camouflage, emploi du bois dans ce but. Aspirine et médicaments courants. Teinture d’iode et quinine. Difficultés de logement. Ouvriers des chantiers maritimes. Difficultés de transport des commerçants en chemin de fer. Activité navale et aérienne. Le moral des civils, de l’armée, du parti, des ouvriers étrangers. Les usines importantes et leur protection militaire. Résultats des bombardements. Cartes d’alimentation. Nouvelle méthode pour la conservation de la viande. En double exemplaire. Daté du 14 avril 1943. Deux feuilles de papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 280 mm.

72 Questions partant en Allemagne

72bis Questions partant en Allemagne 

 

73- Lettre du 2ème bureau AS signée Aubert, adressée au Commandant de la place de Marseille. Vague d’arrestations fin avril concernant S 32, Brest, Lamy, Lunel, Francini, Gateau, et Fernand. Sont en danger : Maurel, Aicard, Germain, le Docteur, l’Ancien, Aubert et leurs adjoints. Origine des informations et des fuites, action envisagée. Trois feuilles blanches tapées à la machine, format 210 mm x 270 mm.

73 Arrestations avril 1943

73bis Arrestations avril 1943

73ter Arrestations avril 1943 

 

74- Renseignements sur des services allemands (?) avec numéros de lignes téléphoniques : Grand hôtel, Hôtel Noailles, Central allemand, lignes diverses à Avignon, Aubagne, Aix, Arles, Béziers, Toulon, etc. Liste et numéros de lignes télégraphiques. Quatre feuilles blanches tapées à la machine, format 210 mm x 270 mm.

 

75- Renseignements sur les positions des émetteurs Réaltor, des lignes, des personnels. Deux feuilles blanches tapées à la machine, format 210 mm x 270 mm.

75 Emetteurs Réaltor

 

76- Message signé Mistral sur liaison spéciale entre le gouvernement de Vichy et la Préfecture. Annotation en rouge du colonel Pétré: IIe bureau. Papier blanc, manuscrit au crayon, format 120 mm x 120 mm.

 

77- Liste du personnel des services de santé dans les différents hôpitaux et casernes de Marseille, avec indications de leurs opinions à l’égard de l’occupant. Trois feuilles papier pelure blanc, tapées à la machine, format 210 mm x 270 mm.

77 Personnel de santé

 

Chemise E- Traîtres, dénonciations

 

78- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-Memphis ggg. Commandant Musker Michel, dit Mickey, chef du bureau de recrutement de la Légion des Volontaires Français. Daté du 21 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 43 mm.

 

79- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-Memphis ggg. Traîtres : Baron de Lussatz à Monte-Carlo, Leandri, amant de Mme Léal à Monte-Carlo, à supprimer le plus tôt possible. Bonte Marcel Noël, Joseph, chef régional de la Milice, né le 24 décembre 1898 à Dijon, ancien PPF, 18 Bd Joseph Fabre à Saint Julien. Degassowki, 41 rue Daumier, chef-adjoint de la Milice. Daté du 21 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 80 mm.

79 Liste traîtres

 

80- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-Memphis ggg. Traître : colonel Servent, commissaire du gouvernement lors de l’arrivée des Allemands à Marseille. A refusé la libération des détenus politiques gaullistes par les juges et les avocats (rappel de sa déclaration). Daté du 20 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 60 mm.

 

81- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa-Memphis ggg. Traîtres : Arberet Paul, 125 rue de Breteuil, conseiller municipal, légionnaire et collaborateur. Godet plomberie, 1 rue des Convalescents. Dénonciateur et informateur des Allemands. Daté du 22 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 68 mm.

 

82- Individu dangereux : Lemoine Rodolphe, alias Von Koenig Rudolph, alias Stalmanr, adresse, Corinne (?) Lemoine. Feuillet blanc, manuscrit au crayon. format 110 mm x 65 mm.

 

83- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa, Memphis ggg. Dénonciation du comportement très sévère du Dr Hugues, Bd de la Grotte Roland, pour envoyer les jeunes gens au STO. En revanche, accepte de les réformer en échange d’un billet de 1000 francs. Daté du 21 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 55 mm.

83 Dénonciation

 

84- Message de mmm Memphis à Ulysse ggg-Memphis-Gaspard-Maurel. Le salon de thé l’Ecrin, 48 rue du Paradis, est un poste d’écoute pro-allemand. Deuxième message identique avec indication des destinataires : Aicard, Morvan, Braux, Thierry, Aubert, Chardon. Mot manuscrit en rouge de la main du colonel Pétré. Daté du 17 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 46 mm.

 

85- Message transmis par Maurel, Memphis nnn à Maurel et à Neuville, signé Lamy. Dénonciation par un indicateur d’un dépôt d’armes rue des Vignes à la Capelette. Daté du 14 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 270 mm x 125 mm.

 

86- Message de T. Dié, chef du 3ème bataillon du 1er régiment: Lucien Honorat, étudiant à l’École d’électricité industrielle St Barnabé, espionne en faveur en faveur des collaborateurs; proposition de «stage à l’hôpital ou de retrait de l’extrait de naissance». Daté du 18 mars 1943. Feuillet manuscrit à l’encre bleu sur papier blanc, format 180 mm x 115 mm.

 

87- Message de Memphis mmm à Ulysse-Memphis aaa, ggg. Traître : Mme Germot, professeur de couture au lycée Montgrand, interroge ses élèves de 6é et 7è pour dénoncer leurs parents. Sa fille France Germot, travaille pour un groupe de collaborateurs rue St Ferreol. Daté du 22 avril 1943. Papier pelure bleu, tapé à la machine, format 210 mm x 90 mm.

 

88- Rapport dénonçant le comportement de Moïse Delacourt, directeur des Forges et Chantiers de la Méditerranée. Au verso, indication des noms et adresses de trois témoins. Daté du 13 mars 1943. Feuille blanche tapée à la machine en rouge, format 210 mm x 220 mm.

 

89- Liste de six membres du personnel des Dames de France présentés comme collaborateurs: Grimaud, inspecteur de police privée, Blanc, Bourges, P. Bertrand chef du personnel, Porte, Bruder, directeur des Dames de France, etc. Papier blanc manuscrit à l’encre bleu, format 130 mm x 210 mm.

 

90- Message de Aicard à Maurel. Individus dangereux, Jacques Delaporte, dit Mademoiselle, 13 rue Audimar ; Maréchal Maurice, adjudant de gendarmerie fait de la répression féroce; Popineau, ingénieur en chef de la Cie Mixte, collaborateur et trafiquant; Tomasini, ancien secrétaire syndical des docks, collaborateur. Daté du 26 mars 1943. Papier pelure blanc jauni, tapé à la machine, format 210 mm x 270 mm.

 

91- Message de Aicard à Maurel. Guien Pierre, préposé d’octroi, a dénoncé un transporteur de tracts gaullistes. Docteur Leproux de Galernes, chef milicien toujours armé. Daté du 27 mars (1943?). Papier pelure blanc jauni, tapé à la machine, format 210 mm x 270 mm.

 

92- Message de Aicard à Morel. Signalement de quatre agents de la Gestapo avec adresses : Etienne (patron du bar Colibri, place de la Bourse), Chevrolet, Buch, Lepaul (1 rue Molière). Daté du 9 avril 1943. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 140 mm.

 

93- Liste de huit collaborateurs dangereux avec fonctions ou adresses : Maurice Koeunig alias Dumas, Bros Henry, Lauredo Manuel, Elizard, Antonietti directeur du Bureau de bienfaisance, dentiste Faille, Noël Nobili, Bianchi Albert. Daté du 9 avril 1943. Papier pelure blanc jauni, tapé à la machine, format 210 mm x 200 mm.

 

94- Message de Aicard à Morel. Signalement de avec fonctions adresses et commentaire de deux collaborateurs : Durbec (membre SOL) et Mariani, milicien. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 135 mm.

 

95- Liste de 23 noms de collaborateurs avec adresses, classés en trois catégories, avec SOL en marge de la première. Papier pelure blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 13 mm.

95 Vingt trois collaborateurs 

 

96- Message de Aicard à Maurel. Signalement avec fonctions adresses et commentaires de six collaborateurs : Fambon administrateur de biens juifs, Riess Frédéric, Lecoffre («sanctions immédiates nécessaires»), Rigaud Auguste, Hurt, Docteur Franchi Toussaint. Papier pelure blanc jauni, tapé à la machine, format 210 mm x 270 mm.

 96 Six collaborateurs

 

97- Signalement de trois escrocs (Robert Astruc et ?) prétendant organiser des départs pour le Maroc, adresses, et plan. Feuillet blanc manuscrit au crayon, format 107 mm x 170 mm.

 

98- Note n°3 AIF, document en double exemplaire. Informations à caractère militaire sur trois bâtiments (Usine Kulimann, Cap Janet, Cie Transatlantique). Signalement d’escrocs et de maître-chanteurs (correspondant au manuscrit précédent) : Robert Nivières, Robert Astruc et de membres de la Gestapo : Ringaud, Paul Signorsi, Mangiavaca Lucien, Canobio Fernand, Laugier Mathieu, Lombard, Larenty de Tholozan, Gronchi, Louis Pascal. Daté du 23 mars 1943. Feuille blanche tapée à la machine, format 210 mm x 280 mm.

 

99- AIF, Organisation des services de renseignements, liste de fonctions avec indication codée du responsable : effectif et matériel ; dispositif d’artillerie, DCA, travaux de fortification ; dépôts de munitions et ravitaillement; emplacement état-major, poste, central téléphonique; marine; matériel roulant, garages, ateliers de réparation; administration civile et militaire française ; aviation ; contre espionnage; secrétariat ; liaison. Daté de mars 1943. Feuille blanche, tapée à la machine, format 210 mm x 270 mm.

99 Organisation service renseignements

 

100- Maurel à tous chefs de régiments. Signalement par Omer, chef d’un commando, de quatre hommes très douteux, ayant tenté d’entrer dans les commandos : André Calvez, Georges Dorbeaux, Marius Crispo, Daniel Laffanthaer. Feuille blanche, tapée à la machine, format 210 mm x 270 mm.

100 Tentative infiltration 

 

101- Memphis mmm à GF Memphis-Gaspard-Maurel. Destinataires : Aicard, Morvan, Braux,Thierry, Aubert, Chardon. Indication de quatre traîtres: Leprévost André (chef de centaine à la Milice), Roche Georges (adjoint), Caruso Aegitus, Renucci Gaston. Travaillent sous les directives de Morand ou Moura. Daté du 16 avril 1943. Feuille blanche tapée à la machine, format 210 mm x 205 mm.

 

102- Même document que le précédent, sans les destinataires. Mention manuscrite du colonel Pétré. Feuillet blanc, tapé à la machine, format 210 mm x 85 mm.

 

103- Mmm Memphis à Ulysse MMM-Auclair Memphis : Gaspard-kkk-lll-ppp. A diffuser. Destinataires : Aicard, Morvan, Braux, Thierry, Aubert, Chardon. Signalement d’un industriel Paul Humbert (usine François ainé à Marseille), considéré comme un traître qui cherche à s’introduire dans le Mouvement pour l’espionner.

104 Traître 

 

104- Même document que le précédent, sans les destinataires, mais avec mention manuscrite du colonel Pétré. Daté du 9 avril 1943. Feuille blanche, tapée à la machine, format 210 mm x 90 mm.

 

105- Signalement de deux personnes à la solde des Allemands, Golphe et Adam son complice, fils du colonel Adam. Feuillet de papier blanc jauni, manuscrit au crayon, format 130 mm x 130 mm.

 

106- SOL (de chez nous PTT), indique les noms de cinq personnes : Sicabay Rolland, Mariani Joseph, Michiels Jean, Casta Paul, Cuteloni Ange. Feuillet de papier blanc jauni, manuscrit au crayon, format 110 mm x 135 mm.

 

107- Mot au contenu difficilement compréhensible. Daté du 16 avril 1942. Feuillet manuscrit au crayon sur papier blanc jauni, format 107 mm x 160 mm.

 

108- Signalement de Mallé, individu dangereux, armé, «à éliminer le plus rapidement possible». Feuillet de papier blanc jauni, manuscrit au crayon, format 135 mm x 105 mm.

 

109- Signalement d’un Allemand infiltré dans la Résistance, André Vernières, de son vrai nom, Fritz Haltz (allemand). Signalement au verso d’un collaborateur à Nice, Vignal Emmanuel. Indication d’origine du renseignement. Feuillet blanc, manuscrit à l’encre, recto-verso, format 115 mm x 175 mm.

 109 Allemand infiltré

109bis Allemand infiltré

 

110- Signalement de deux individus avec leur adresse: Faille, dentiste et Vidal Charles, membre de la Gestapo. Feuillet de papier blanc, manuscrit à l’encre, recto-verso, format 150 mm x 95 mm

 

Chemise «1er»

 

111- Répartition des effectifs du 1er régiment, nom d’entreprises importantes par compagnie ou bataillon. Feuillet blanc manuscrit au crayon, recto-verso, format 145 mm x 105 mm.

 

112- Indications pour les effectifs. Feuillet blanc manuscrit au crayon, format 110 mm x 40 mm.

 

113- Message de Braux à Aicard remplaçant Maurel. Thèmes abordés : arrestation du colonel Ducas, possibilité d’identifier celui qui l’a trahi ; demande de matériel, explosifs, balles et révolvers ; identification de deux traîtres, Mesure et le directeur d’Electro-Plus ; évaluation des effectifs par bataillons, total de 468 hommes, manquent 342 hommes. Daté du 24 avril 1943. Feuille blanche, manuscrite au crayon, recto-verso, format 155 mm x 195 mm.

113 Arrestations, traitres

113bis Arrestations, traitres 

114- Liste des chefs des cinq compagnies et du chef de bataillon accompagnés de leurs pseudonymes. Feuille blanche, manuscrite à l’encre, format 175 mm x 195 mm.

 

115- Liste des pseudonymes des chefs des cinq compagnies et de leurs lieux de travail. Feuille blanche, manuscrite à l’encre, format 175 mm x 225 mm.

 

116- Message d’un chef de bataillon qui indique que le numéro des adresses est majoré de 11. Feuillet blanc, manuscrit à l’encre, format 195 mm x 95 mm.

116 Code n° adresses

 

117- Pour trois compagnies du 1er bataillon, double liste des commandants, adjoint et autres responsables avec leurs adresses. Deux feuilles blanches manuscrites à l’encre, format 105 mm x 270 mm.

117 Effectif 1er bataillon

 

118- Liste de noms, pseudonymes et fonctions de cadres du 3e bataillon (état-major) du 3e  régiment. Feuille blanche, manuscrite à l’encre, format 195 mm x 200 mm.

118 Troisième régiment 3e bataillon Etat major 

 

119- Liste pseudonymes, adresses et fonctions de cadres du 3e bataillon (état-major) du 3e régiment. Feuille blanche, manuscrite à l’encre, format 195 mm x 200 mm.

 

120- Effectifs des 5 compagnies composant le 4ème bataillon. Signé par Laurent, chef du 4e bataillon qui signale la possibilité de mettre à la disposition du mouvement 60 chauffeurs poids lourd. Feuille blanche, manuscrite à l’encre, format 270 mm x 420 mm.

 

121- Effectif des cinq compagnies composant le 4e bataillon, 3e régiment. 1ère compagnie Catalans, 2e compagnie Arenc, 3e compagnie Capelette, 4e compagnie St. Pierre, 5e compagnie Chartreux. Six exemplaires de chaque, feuilles de papier pelure blanc, tapées à la machine, format 205 mm x 265 mm.

 

122- Effectif du 3ème bataillon du 3e régiment. Total 214 hommes, signé par le chef de bataillon Gloria. Daté du 17 avril 1943. Feuille de papier blanc, manuscrite à l’encre, format 300 mm x 385 mm.

 122 Troisième régiment 3e bataillon

122bis Troisième régiment 3e bataillon

123- Effectif du 3ème bataillon du 3e régiment. 1ère compagnie, 1ère trentaine, 2ème trentaine, 3e trentaine ; 2e compagnie, 1er trentaine, 2e trentaine, 3e trentaine ; 3e compagnie, 1er trentaine, 2e trentaine, 3e trentaine. Effectif du 3e bataillon à ce jour, troupes 197, Gradés 17, total 214. Marseille, le 17 avril 1943, le chef de bataillon Gloria. Correspond au document manuscrit précédent. Six exemplaires de chaque feuille, 42 feuilles de papier pelure blanc, tapées à la machine, format 210 mm x 270 mm.

 

124- Effectifs du 1er bataillon, 1ère, 2ème et 3ème compagnie du 3ème RIAS. Trois feuilles blanches manuscrites à l’encre, format 210 mm x 310 mm.

 

125- Effectif du 1er bataillon du 3ème régiment RIAS, 1ère, 2ème et 3ème compagnie. Correspond au document manuscrit précédent. 23 feuilles de papier pelure blanc, tapées à la machine, format 210 mm x 270 mm.

 

126- Décision n°5, prendre connaissance et déchirer. Note du chef du 3e bataillon de l’AS à MM. les adjoints au chef de bataillon et commandants de compagnies, Renaud, Bey, Valin, Bibox, Civis, Saigon, François. Daté du 10 avril 1943 et signé par le chef du 3e bataillon G... Destinataires:commandant du régiment et sept autres personnes. Les points abordés: demande d’état de vos hommes avec matricule, profession, situation militaire; mise à disposition de 3 hommes par compagnie pour la formation du Groupe Franc du bataillon. Départ pour les Kommados 3 fois par semaine; les noms de collaborateurs et leurs actes doivent être dûment vérifiés car il peut y avoir exécution; vérification du recrutement, visite de la compagnie Civis, demande rapport sur l’état d’esprit des hommes; nomination; sanction; félicitation; confiance mais aussi sanctions possibles. Deux feuilles de papier pelure tapées à la machine, format 210 mm x 270 mm.

126 Décision n° 5

126bis Décision n° 5

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  • : Colonel Pétré, la Résistance à Marseille
  • : Biographie du Lieutenant-Colonel Jean-Baptiste Pétré, chef régional de l'Armée Secrète AS à Marseille. Archives de l'AS, de la déportation, de l'épuration. Campagne de France et Résistance durant la 2ème guerre mondiale.
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